Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome18.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
41
BULLE.

crâne, à la manière de Crom, C’en était bien assez pour que les Bulgares fussent en horreur à toute l’Europe : on n’avait pas besoin de les appeler manichéens, nom qu’on donnait alors à tous les hérétiques, car manichéen, patarin et vaudois, c’était la même chose. On prodiguait ces noms à quiconque ne voulait pas se soumettre à l’Église romaine.

Le mot de Boulgare, tel qu’on le prononçait, fut une injure vague et indéterminée, appliquée à quiconque avait des mœurs barbares ou corrompues. C’est pourquoi, sous saint Louis, frère Robert, grand inquisiteur, qui était un scélérat, fut accusé juridiquement d’être un boulgare par les communes de Picardie. Philippe le Bel donna cette épithète à Boniface VIII[1].

Ce terme changea ensuite de signification vers les frontières de France ; il devint un terme d’amitié. Rien n’était plus commun en Flandre, il y a quarante ans, que de dire d’un jeune homme bien fait : C’est un joli boulgare ; un bon homme était un bon boulgare.

Lorsque Louis XIV alla faire la conquête de la Flandre, les Flamands disaient en le voyant : « Notre gouverneur est un bien plat boulgare en comparaison de celui-ci. »

En voilà assez pour l’étymologie de ce beau nom.


BULLE[2].


Ce mot désigne la boule ou le sceau d’or, d’argent, de cire, ou de plomb, attaché à un instrument, ou charte quelconque. Le plomb pendant aux rescrits expédiés eu cour romaine porte d’un côté les têtes de saint Pierre à droite, et de saint Paul à gauche. On lit au revers le nom du pape régnant, et l’an de son pontificat. La bulle est écrite sur parchemin. Dans la salutation le pape ne prend que le titre de serviteur des serviteurs de Dieu, suivant cette sainte parole de Jésus à ses disciples[3] : « Celui qui voudra être le premier d’entre vous sera votre serviteur. »

Des hérétiques prétendent que par cette formule, humble en apparence, les papes expriment une espèce de système féodal par lequel la chrétienté est soumise à un chef qui est Dieu, dont les grands vassaux saint Pierre et saint Paul sont représentés par le

  1. Voyez Bulle. (Note de Voltaire.)
  2. Questions sur l’Encyclopédie, troisième partie, 1770. (B.)
  3. Matthieu, chapitre xx, v. 27. (Note de Voltaire.)