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ÉGLISE.


On peut douter de ce que Zosime rapporte à ce sujet. Il dit que Constantin, agité de remords après tant de crimes, demanda aux pontifes de l’empire s’il y avait quelque expiation pour lui, et qu’ils lui dirent qu’ils n’en connaissaient pas. Il est bien vrai qu’il n’y en avait point eu pour Néron, et qu’il n’avait osé assister aux sacrés mystères en Grèce. Cependant les tauroboles étaient en usage, et il est bien difficile de croire qu’un empereur tout-puissant n’ait pu trouver un prêtre qui voulût lui accorder des sacrifices expiatoires. Peut-être même est-il encore moins croyable que Constantin, occupé de la guerre, de son ambition, de ses projets, et environné de flatteurs, ait eu le temps d’avoir des remords. Zosime ajoute qu’un prêtre égyptien arrivé d’Espagne, qui avait accès à sa porte, lui promit l’expiation de tous ses crimes dans la religion chrétienne. On a soupçonné que ce prêtre était Ozius, évêque de Cordoue.

[1] Quoi qu’il en soit, Dieu réserva Constantin pour l’éclairer et pour en faire le protecteur de l’Église. Ce prince fit bâtir sa ville de Constantinople, qui devint le centre de l’empire et de la religion chrétienne. Alors l’Église prit une forme auguste. Et il est à croire que, lavé par son baptême et repentant à sa mort, il obtint miséricorde, quoiqu’il soit mort arien. Il serait bien dur que tous les partisans des deux évêques Eusèbe eussent été damnés.

Dès l’an 314, avant que Constantin résidât dans sa nouvelle ville, ceux qui avaient persécuté les chrétiens furent punis par eux de leurs cruautés. Les chrétiens jetèrent la femme de Maximien dans l’Oronte ; ils égorgèrent tous ses parents ; ils massacrèrent dans l’Égypte et dans la Palestine les magistrats qui s’étaient le plus déclarés contre le christianisme. La veuve et la fille de Dioclétien s’étant cachées à Thessalonique furent reconnues, et leurs corps jetés dans la mer. Il eût été à souhaiter que les chrétiens eussent moins écouté l’esprit de vengeance ; mais Dieu, qui punit selon sa justice, voulut que les mains des chrétiens fussent teintes du sang de leurs persécuteurs, sitôt que ces chrétiens furent en liberté d’agir[2].

  1. En 1764, on lisait : « Quoi qu’il en soit, Constantin communia avec les chrétiens, bien qu’il ne fût jamais que catéchumène, et réserva son baptême pour le moment de sa mort. Il fit bâtir sa ville de Constantinople, qui devint le centre de l’empire et de la religion chrétienne. Alors l’Église prit une forme auguste.

    Il est à remarquer que, dès l’an 314, etc. » (B.)

  2. C’est ici que finit le second morceau, qui se trouvait aussi à l’article Christianisme, ainsi qu’il a été dit page 483. (B.)