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ÉGLISE.


Dans les premières années qui suivirent la mort de Jésus-Christ, Dieu et homme, on comptait chez les Hébreux neuf écoles, ou neuf sociétés religieuses : pharisiens, saducéens, esséniens, judaïtes, thérapeutes, récabites, hérodiens, disciples de Jean, et les disciples de Jésus, nommés les frères, les galiléens, les fidèles, qui ne prirent le nom de chrétiens que dans Antioche, vers l’an 60 de notre ère, conduits secrètement par Dieu même dans des voies inconnues aux hommes.

Les pharisiens admettaient la métempsycose, les saducéens niaient l’immortalité de l’âme et l’existence des esprits, et cependant étaient fidèles au Pentateuque.

Pline le Naturaliste[1] (apparemment sur la foi de Flavius Josèphe) appelle les esséniens gens æterna in qua nemo nascitur, famille éternelle dans laquelle il ne naît personne, parce que les esséniens se mariaient très-rarement. Cette définition a été depuis appliquée à nos moines.

Il est difficile de juger si c’est des esséniens ou des judaïtes que parle Josèphe quand il dit[2] : «[3] Ils méprisent les maux de la terre : ils triomphent des tourments par leur constance ; ils préfèrent la mort à la vie lorsque le sujet en est honorable. Ils ont souffert le fer et le feu, et vu briser leurs os, plutôt que de prononcer la moindre parole contre leur législateur, ni manger des viandes défendues. »

Il paraît que ce portrait tombe sur les judaïtes[4] et non pas sur les esséniens, car voici les paroles de Josèphe : « Judas fut l’auteur d’une nouvelle secte, entièrement différente des trois autres, c’est-à-dire des saducéens, des pharisiens et des esséniens. » Il continue et dit : « Ils sont Juifs de nation : ils vivent unis entre eux, et regardent la volupté comme un vice. » Le sens naturel de cette phrase fait croire que c’est des judaïtes dont l’auteur parle.

Quoi qu’il en soit, on connut ces judaïtes avant que les disciples du Christ commençassent à faire un parti considérable dans le monde. Quelques bonnes gens les ont pris pour des hérétiques qui adoraient Judas Iscariote.

  1. Livre V, chapitre xvii. (Note de Voltaire.)
  2. Hist., chapitre xii. (Id.)
  3. Ce qui suit avait déjà, en grande partie, été imprimé en 1764, dans le Dictionnaire philosophique, an mot Christianisme. (B.)
  4. Plus connus sous le nom de zélateurs ou zélotes. Les chefs de ce parti furent Juda le Gaulanite, appelé aussi le Galiléen, et le pharisien Sadock. Ils enseignaient que les Juifs devaient plutôt mourir que de se soumettre à une puissance humaine. (G. A.)