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BULGARES OU BOULGARES.

que la tradition ne dit point qu’un homme ait jamais épousé une fille de Brama, au lieu qu’elle assure qu’une Indienne fut mariée avec le fils de ce dieu ? Est-ce parce que les femmes sont plus superstitieuses que les hommes ? est-ce parce que leur imagination est plus faible, plus tendre, plus faite pour être dominée ?

Les anciens brachmanes se brûlaient quelquefois pour prévenir l’ennui et les maux de la vieillesse, et surtout pour se faire admirer. Calan ou Calanus ne se serait peut-être pas mis sur un bûcher sans le plaisir d’être regardé par Alexandre. Le chrétien renégat Pellegrinus se brûla en public, par la même raison qu’un fou parmi nous s’habille quelquefois en arménien pour attirer les regards de la populace.

N’entre-t-il pas aussi un malheureux mélange de vanité dans cet épouvantable sacrifice des femmes indiennes ? Peut-être, si on portait une loi de ne se brûler qu’en présence d’une seule femme de chambre, cette abominable coutume serait pour jamais détruite.

Ajoutons un mot ; une centaine d’Indiennes, tout au plus, a donné ce triste spectacle ; et nos inquisitions, nos fous atroces qui se sont dits juges, ont fait mourir dans les flammes plus de cent mille de nos frères, hommes, femmes, enfants, pour des choses que personne n’entendait. Plaignons et condamnons les brames ; mais rentrons en nous-mêmes, misérables que nous sommes.

Vraiment nous avons oublié une chose fort essentielle dans ce petit article des brachmanes, c’est que leurs livres sacrés sont remplis de contradictions. Mais le peuple ne les connaît pas, et les docteurs ont des solutions prêtes, des sens figurés et figurants, des allégories, des types, des déclarations expresses de Birma, de Brama et de Vitsnou, qui fermeraient la bouche à tout raisonneur.


BULGARES ou BOULGARES[1].


Puisqu’on a parlé des Bulgares dans le Dictionnaire encyclopédique, quelques lecteurs seront peut-être bien aises de savoir qui étaient ces étranges gens, qui parurent si méchants qu’on les traita d’hérétiques, et dont ensuite on donna le nom en France aux non-conformistes, qui n’ont pas pour les dames toute l’atten-

  1. Questions sur l’Encyclopédie, troisième partie, 1770. (B.)