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ÉCONOMIE.

mais le fait est certain, et vous le trouverez marqué dans vos archives.

Origène[1], au contraire, dit qu’il n’est pas étonnant que les auteurs étrangers n’aient rien dit des ténèbres dont parlent les évangélistes, puisqu’elles ne parurent qu’aux environs de Jérusalem ; la Judée, selon lui, étant désignée sous le nom de toute la terre en plus d’un endroit de l’Écriture. Il avoue d’ailleurs que le passage de l’Évangile de Luc[2] où l’on lisait de son temps que toute la terre fut couverte de ténèbres à cause de l’éclipse du soleil avait été ainsi falsifié par quelque chrétien ignorant qui avait cru donner par là du jour au texte de l’évangéliste, ou par quelque ennemi malintentionné qui avait voulu faire naître un prétexte de calomnier l’Église, comme si les évangélistes avaient marqué une éclipse dans un temps où il était notoire qu’elle ne pouvait arriver. Il est vrai, ajoute-t-il, que Phlégon dit qu’il y en eut une sous Tibère ; mais comme il ne dit pas qu’elle soit arrivée dans la pleine lune, il n’y a rien en cela de merveilleux.

Ces ténèbres, continue Origène, étaient de la nature de celles qui couvrirent l’Égypte au temps de Moïse, lesquelles ne se firent point sentir dans le canton où demeuraient les Israélites. Celles d’Égypte durèrent trois jours, et celles de Jérusalem ne durèrent que trois heures ; les premières étaient la figure des secondes, et de même que Moïse, pour les attirer sur l’Égypte, éleva les mains au ciel et invoqua le Seigneur, ainsi Jésus-Christ, pour couvrir de ténèbres Jérusalem, étendit ses mains sur la croix contre un peuple ingrat qui avait crié : Crucifiez-le, crucifiez-le.

C’est bien ici le cas de s’écrier aussi comme Plutarque : Les ténèbres de la superstition sont plus dangereuses que celles des éclipses.


ÉCONOMIE[3].


Ce mot ne signifie dans l’acception ordinaire que la manière d’administrer son bien : elle est commune à un père de famille et à un surintendant des finances d’un royaume. Les différentes sortes de gouvernement, les tracasseries de famille et de cour, les guerres injustes et mal conduites, l’épée de Thémis mise dans

  1. Sur saint Matthieu, chapitre xxvii. (Note de Voltaire.)
  2. Chapitre xxiii, v. 45. (Id.)
  3. Questions sur l’Encyclopédie, cinquième partie, 1771. (B.)