Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome18.djvu/449

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
439
DROIT CANONIQUE.

colère du ciel, c’est la seule peine dont un pasteur peut faire usage. Si l’on ne veut pas donner le nom de peines à ces censures ou à ces déclamations, les ministres de la religion n’auront aucune peine à infliger.

L’Église peut-elle bannir de son sein ceux qui la déshonorent ou la troublent ? Grande question sur laquelle les canonistes n’ont point hésité de prendre l’affirmative. Observons d’abord que les ecclésiastiques ne sont pas l’Église. L’Église, assemblée dans laquelle sont les magistrats souverains, pourrait sans doute de droit exclure de ses congrégations un pécheur scandaleux, après des avertissements charitables, réitérés et suffisants. Cette exclusion ne peut dans ce cas même emporter aucune peine civile, aucun mal corporel, ni la privation d’aucun avantage terrestre. Mais ce que peut l’Église de droit, les ecclésiastiques qui sont dans l’Église ne le peuvent qu’autant que le souverain les y autorise et le leur permet.

C’est donc encore même dans ce cas au souverain à veiller sur la manière dont ce droit sera exercé : vigilance d’autant plus nécessaire qu’il est plus aisé d’abuser de cette discipline. C’est par conséquent à lui, en consultant les règles du support et de la charité, de prescrire les formes et les restrictions convenables : sans cela, toute déclaration du clergé, toute excommunication serait nulle et sans effet, même dans l’ordre spirituel. C’est confondre des cas entièrement différents que de conclure de la pratique des apôtres la manière de procéder aujourd’hui. Le souverain n’était pas de la religion des apôtres, l’Église n’était pas encore dans l’État ; les ministres du culte ne pouvaient pas recourir au magistrat. D’ailleurs, les apôtres étaient des ministres extraordinaires tels qu’on n’en voit plus. Si l’on me cite d’autres exemples d’excommunications lancées sans l’autorité du souverain ; que dis-je ? si l’on rappelle ce qu’on ne peut entendre sans frémir d’horreur, des exemples même d’excommunications fulminées insolemment contre des souverains et des magistrats, je répondrai hardiment que ces attentats sont une rébellion manifeste, une violation ouverte des devoirs les plus sacrés de la religion, de la charité et du droit naturel.

On voit donc évidemment que c’est au nom de toute l’Église que l’excommunication doit être prononcée contre les pécheurs publics, puisqu’il s’agit seulement de l’exclusion de ce corps : ainsi elle doit être prononcée par les ecclésiastiques sous l’autorité des magistrats et au nom de l’Église, pour les seuls cas dans lesquels on peut présumer que l’Église entière, bien instruite, la