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DROIT CANONIQUE.

d’un État, de les employer même à d’autres usages pour le bien de la société.

Par les mêmes principes, le souverain doit expressément défendre qu’aucun ordre religieux ait un supérieur dans le pays étranger : c’est presque un crime de lèse-majesté.

Le souverain peut prescrire les règles pour entrer dans ces ordres ; il peut, selon les anciens usages, fixer un âge, et empêcher que l’on ne fasse des vœux que du consentement exprès des magistrats. Chaque citoyen naît sujet de l’État, et il n’a pas le droit de rompre des engagements naturels envers la société, sans l’aveu de ceux qui la gouvernent.

Si le souverain abolit un ordre religieux, ces vœux cessent d’être obligatoires. Le premier vœu est d’être citoyen ; c’est un serment primordial et tacite, autorisé de Dieu, un vœu dans l’ordre de la Providence, un vœu inaltérable et imprescriptible, qui unit l’homme en société avec la patrie et avec le souverain. Si nous avons pris un engagement postérieur, le vœu primitif a été réservé ; rien n’a pu énerver ni suspendre la force de ce serment primitif. Si donc le souverain déclare ce dernier vœu, qui n’a pu être que conditionnel et dépendant du premier, incompatible avec le serment naturel ; s’il trouve ce dernier vœu dangereux dans la société, et contraire au bien public, qui est la suprême loi, tous sont dès lors déliés en conscience de ce vœu. Pourquoi ? parce que la conscience les attachait primitivement au serment naturel et au souverain. Le souverain, dans ce cas, ne dissout point un vœu ; il le déclare nul, il remet l’homme dans l’état naturel.

En voilà assez pour dissiper tous les sophismes par lesquels les canonistes ont cherché à embarrasser cette question, si simple pour quiconque ne veut écouter que la raison.


SECTION IV[1].


Des peines ecclésiastiques.


Puisque ni l’Église, qui est l’assemblée de tous les fidèles, ni les ecclésiastiques, qui sont les ministres dans cette Église, au nom du souverain et sous son autorité, n’ont aucune force coactive, aucune puissance exécutrice, aucun pouvoir terrestre, il est évident que ces ministres de la religion ne peuvent infliger que des peines uniquement spirituelles. Menacer les pécheurs de la

  1. Voyez la note de la page 429.