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DROIT CANONIQUE.

culier ou d’un corps, sans que ce corps ou ce particulier contribuât aux charges communes, serait une subversion des lois.

Je dis plus : la quotité quelconque de la contribution d’un particulier ou d’un corps quelconque doit être réglée proportionnellement, non par lui, mais par le souverain ou les magistrats, selon la loi et la forme générale. Ainsi le souverain doit connaître et peut demander un état des biens et des possessions de tout corps, comme de tout particulier.

C’est donc encore dans ces principes immuables que doivent être puisées les règles du droit canonique, par rapport aux possessions et aux revenus du clergé.

Les ecclésiastiques doivent sans doute avoir de quoi vivre honorablement, mais ce n’est ni comme membres ni comme représentants de l’Église : car l’Église par elle-même n’a ni règne ni possession sur cette terre.

Mais s’il est de la justice que les ministres de l’autel vivent de l’autel, il est naturel qu’ils soient entretenus par la société, tout comme les magistrats et les soldats le sont. C’est donc à la loi civile à faire la pension proportionnelle du corps ecclésiastique.

Lors même que les possessions des ecclésiastiques leur ont été données par testament, ou de quelque autre manière, les donateurs n’ont pu dénaturer les biens en les soustrayant aux charges publiques, ou à l’autorité des lois. C’est toujours sous la garantie des lois, sans lesquelles il ne saurait y avoir possession assurée et légitime, qu’ils en jouiront.

C’est donc encore au souverain, ou aux magistrats en son nom, à examiner en tout temps si les revenus ecclésiastiques sont suffisants : s’ils ne l’étaient pas, ils doivent y pourvoir par des augmentations de pensions ; mais s’ils étaient manifestement excessifs, c’est à eux à disposer du superflu pour le bien commun de la société.

Mais selon les principes du droit vulgairement appelé canonique, qui a cherché à faire un État dans l’État, un empire dans l’empire, les biens ecclésiastiques sont sacrés et intangibles, parce qu’ils appartiennent à la religion et à l’Église : ils viennent de Dieu, et non des hommes.

D’abord, ils ne sauraient appartenir, ces biens terrestres, à la religion, qui n’a rien de temporel. Ils ne sont pas à l’Église, qui est le corps universel de tous les fidèles ; à l’Église, qui renferme les rois, les magistrats, les soldats, tous les sujets : car nous ne devons jamais oublier que les ecclésiastiques ne sont pas plus l’Église que les magistrats ne sont l’État.