Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome18.djvu/441

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
431
DROIT CANONIQUE.


La vertu suppose la liberté, comme le transport d’un fardeau suppose la force active. Dans la contrainte point de vertu, et sans vertu point de religion. Rends-moi esclave, je n’en serai pas meilleur.

Le souverain même n’a aucun droit d’employer la contrainte pour amener les hommes à la religion, qui suppose essentiellement choix et liberté. Ma pensée n’est pas plus soumise à l’autorité que la maladie ou la santé.

Afin de démêler toutes les contradictions dont on a rempli les livres sur le droit canonique, et de fixer nos idées sur le ministère ecclésiastique, recherchons au milieu de mille équivoques ce que c’est que l’Église.

L’Église est l’assemblée de tous les fidèles appelés certains jours à prier en commun, et à faire en tout temps de bonnes actions.

Les prêtres sont des personnes établies sous l’autorité du souverain pour diriger ces prières et tout le culte religieux.

Une Église nombreuse ne saurait être sans ecclésiastiques ; mais ces ecclésiastiques ne sont pas l’Église.

Il n’est pas moins évident que si les ecclésiastiques qui sont dans la société civile avaient acquis des droits qui allassent à troubler ou à détruire la société, ces droits doivent être supprimés.

Il est encore de la plus grande évidence que si Dieu a attaché à l’Église des prérogatives ou des droits, ces droits ni ces prérogatives ne sauraient appartenir primitivement ni au chef de l’Église ni aux ecclésiastiques, parce qu’ils ne sont pas l’Église, comme les magistrats ne sont le souverain ni dans un État démocratique ni dans une monarchie.

Enfin il est très-évident que ce sont nos âmes qui sont soumises aux soins du clergé, uniquement pour les choses spirituelles.

Notre âme agit intérieurement ; les actes intérieurs sont la pensée, les volontés, les inclinations, l’acquiescement à certaines vérités. Tous ces actes sont au-dessus de toute contrainte, et ne sont du ressort du ministère ecclésiastique qu’autant qu’il doit instruire et jamais commander.

Cette âme agit aussi extérieurement. Les actions extérieures sont soumises à la loi civile. Ici la contrainte peut avoir lieu ; les peines temporelles ou corporelles maintiennent la loi en punissant les violateurs.

La docilité à l’ordre ecclésiastique doit par conséquent tou-