Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome18.djvu/428

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
418
DONATIONS.

donations de terres considérables, faites par cette même Mathilde à des chanoines et à des moines. Elle n’avait donc pas tout donné. Et enfin cet acte de 1102 pourrait bien avoir été fait après sa mort par quelque habile homme.

La cour de Rome ajouta encore à tous ses droits le testament de Mathilde, qui confirmait ses donations. Les papes ne produisirent jamais ce testament.

Il fallait encore savoir si cette riche comtesse avait pu disposer de ses biens, qui étaient la plupart des fiefs de l’empire.

L’empereur Henri V, son héritier, s’empara de tout, ne reconnut ni testament, ni donations, ni fait, ni droit. Les papes, en temporisant, gagnèrent plus que les empereurs en usant de leur autorité ; et, avec le temps, ces césars devinrent si faibles qu’enfin les papes ont obtenu de la succession de Mathilde ce qu’on appelle aujourd’hui le patrimoine de saint Pierre.


DONATION DE LA SUZERAINETÉ DE NAPLES AUX PAPES.


Les gentilshommes normands qui furent les premiers instruments de la conquête de Naples et de Sicile firent le plus bel exploit de chevalerie dont on ait jamais entendu parler. Quarante à cinquante hommes seulement délivrent Salerne au moment qu’elle est prise par une armée de Sarrasins. Sept autres gentilshommes normands, tous frères, suffisent pour chasser ces mêmes Sarrasins de toute la contrée, et pour l’ôter à l’empereur grec, qui les avait payés d’ingratitude. Il est bien naturel que les peuples dont ces héros avaient ranimé la valeur s’accoutumassent à leur obéir par admiration et par reconnaissance.

Voilà les premiers droits à la couronne des Deux-Siciles. Les évêques de Rome ne pouvaient pas donner ces États en fief plus que le royaume de Boutan ou de Cachemire.

Ils ne pouvaient même en accorder l’investiture, quand on la leur aurait demandée : car dans le temps de l’anarchie des fiefs, quand un seigneur voulait tenir son bien allodial en fief pour avoir une protection, il ne pouvait s’adresser qu’au souverain, au chef du pays où ce bien était situé. Or certainement le pape n’était pas seigneur souverain de Naples, de la Fouille et de la Calabre.

On a beaucoup écrit sur cette vassalité prétendue, mais on n’a jamais remonté à la source. J’ose dire que c’est le défaut de presque tous les jurisconsultes, comme de tous les théologiens. Chacun tire bien ou mal, d’un principe reçu, les conséquences