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DONATIONS.

de Rome Zacharie à l’évêque de Mayence Boniface. Donc Pepin ne pouvait donner au pape les terres impériales.

4° Quand le pape Étienne II fit venir une lettre du ciel, écrite de la propre main de saint Pierre à Pepin, pour se plaindre des vexations du roi des Lombards Astolfe, saint Pierre ne dit point du tout dans sa lettre que Pepin eût fait présent de l’exarchat de Ravenne au pape ; et certainement saint Pierre n’y aurait pas manqué, pour peu que la chose eût été seulement équivoque ; il entend trop bien ses intérêts.

5° Enfin on ne vit jamais l’acte de cette donation, et, ce qui est plus fort, on n’osa pas même en fabriquer un faux. Il n’est pour toute preuve que des récits vagues mêlés de fables. On n’a donc, au lieu de certitude, que des écrits de moines absurdes, copiés de siècle en siècle.

L’avocat italien qui écrivit, en 1722, pour faire voir qu’originairement Parme et Plaisance avaient été concédés au saint-siége comme une dépendance de l’exarchat[1], assure que « les empereurs grecs furent justement dépouillés de leurs droits, parce qu’ils avaient soulevé les peuples contre Dieu ». C’est de nos jours qu’on écrit ainsi ! mais c’est à Rome. Le cardinal Bellarmin va plus loin : « Les premiers chrétiens, dit-il, ne supportaient les empereurs que parce qu’ils n’étaient pas les plus forts. » L’aveu est franc, et je suis persuadé que Bellarmin a raison.


DONATION DE CHARLEMAGNE.


Dans le temps que la cour de Rome croyait avoir besoin de titres, elle prétendit que Charlemagne avait confirmé la donation de l’exarchat, et qu’il y avait ajouté la Sicile, Venise, Bénévent, la Corse, la Sardaigne. Mais comme Charlemagne ne possédait aucun de ces États, il ne pouvait les donner ; et quant à la ville de Ravenne, il est bien clair qu’il la garda, puisque dans son testament il fait un legs à sa ville de Ravenne, ainsi qu’à sa ville de Rome. C’est beaucoup que les papes aient eu Ravenne et la Romagne avec le temps ; mais pour Venise, il n’y a point d’apparence qu’ils fassent valoir dans la place Saint-Marc le diplôme qui leur en accorde la souveraineté.

On a disputé pendant des siècles sur tous ces actes, instruments, diplômes. Mais c’est une opinion constante, dit Giannone, ce martyr de la vérité, que toutes ces pièces furent forgées du

  1. Page 120, seconde partie. (Note de Voltaire.)