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DONATIONS.
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DONATION DE CONSTANTIN.


La célèbre donation de Rome et de toute l’Italie au pape Silvestre, par l’empereur Constantin, fut soutenue comme une partie du symbole jusqu’au xvie siècle. Il fallait croire que Constantin, étant à Nicomédie, fut guéri de la lèpre à Rome par le baptême qu’il reçut de l’évêque Silvestre (quoiqu’il ne fût point baptisé), et que pour récompense il donna sur-le-champ sa ville de Rome et toutes ses provinces occidentales à ce Silvestre. Si l’acte de cette donation avait été dressé par le docteur de la Comédie-Italienne, il n’aurait pas été plus plaisamment conçu. On ajoute que Constantin déclara tous les chanoines de Rome consuls et patrices, patricios et consules effici ; qu’il tint lui-même la bride de la haquenée sur laquelle monta le nouvel empereur évêque, tenentes frenum equi illius[1].

Quand on fait réflexion que cette belle histoire a été en Italie une espèce d’article de foi, et une opinion révérée du reste de l’Europe pendant huit siècles, qu’on a poursuivi comme des hérétiques ceux qui en doutaient, il ne faut plus s’étonner de rien.


DONATION DE PEPIN.


Aujourd’hui on n’excommunie plus personne pour avoir douté que Pepin l’usurpateur ait donné et pu donner au pape l’exarchat de Ravenne ; c’est tout au plus une mauvaise pensée, un péché véniel qui n’entraîne point la perte du corps et de l’âme.

Voici ce qui pourrait excuser les jurisconsultes allemands qui ont des scrupules sur cette donation.

1° Le bibliothécaire Anastase, dont le témoignage est toujours cité, écrivait cent quarante ans après l’événement.

2° Il n’était point vraisemblable que Pepin, mal affermi en France, et à qui l’Aquitaine faisait la guerre, allât donner en Italie des États qu’il avouait appartenir à l’empereur résidant à Constantinople.

3° Le pape Zacharie reconnaissait l’empereur romain-grec pour souverain de ces terres disputées par les Lombards, et lui en avait prêté serment, comme il se voit par les lettres de cet évêque

  1. Voyez, tome XI, Essai sur les Mœurs, page 239, où cette donation se trouve traduite en entier.