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DONATIONS.

croire ; » l’autre : « C’est à celles de Sammonocodom. — Bacchus arrêta le soleil et la lune, disait celui-ci. — Les dieux ressuscitèrent Pélops, disait celui-là. — Voici la bulle in Cœna Domini, disait un nouveau venu ; » et l’huissier des juges criait : « Aux petites-maisons, aux petites-nnaisons ! »

Quand tous ces procès furent vidés, j’entendis alors promulguer cet arrêt : « De par l’éternel, créateur, conservateur, rémunérateur, vengeur, pardonneur, etc, etc, soit notoire à tous les habitants des cent mille millions de milliards de mondes qu’il nous a plu de former, que nous ne jugerons jamais aucun desdits habitants sur leurs idées creuses, mais uniquement sur leurs actions : car telle est notre justice. »

J’avoue que ce fut la première fois que j’entendis un tel édit : tous ceux que j’avais lus sur le petit grain de sable où je suis né finissaient par ces mots : Car tel est notre plaisir[1].


DONATIONS[2].


La république romaine, qui s’empara de tant d’États, en donna aussi quelques-uns.

Scipion fit Massinisse roi de Numidie.

Lucullus, Sylla, Pompée, donnèrent une demi-douzaine de royaumes.

Cléopâtre reçut l’Égypte de César ; Antoine, et ensuite Octave, donnèrent le petit royaume de Judée à Hérode.

Sous Trajan, on frappa la fameuse médaille regna assignata, les royaumes accordés.

Des villes, des provinces données en souveraineté à des prêtres, à des colléges, pour la plus grande gloire de Dieu ou des dieux, c’est ce qu’on ne voit dans aucun pays. Mahomet et les califes ses vicaires prirent beaucoup d’États pour la propagation de leur foi, mais on ne leur fit aucune donation : ils ne tenaient rien que de leur Alcoran et de leur sabre.

La religion chrétienne, qui fut d’abord une société de pauvres, ne vécut longtemps que d’aumônes. La première donation est celle d’Anania et de Saphira sa femme : elle fut en argent comptant, et ne réussit pas aux donateurs.

  1. Formule pour les édits royaux.
  2. Questions sur l’Encyclopédie, quatrième partie, 1771. (B.)