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DIVORCE.


Le divorce est probablement de la même date à peu près que le mariage. Je crois pourtant que le mariage est de quelques semaines plus ancien ; c’est-à-dire qu’on se querella avec sa femme au bout de quinze jours, qu’on la battit au bout d’un mois, et qu’on s’en sépara après six semaines de cohabitation.

Justinien, qui rassembla toutes les lois faites avant lui, auxquelles il ajouta les siennes, non-seulement confirme celle du divorce, mais il lui donne encore plus d’étendue : au point que toute femme dont le mari était non pas esclave, mais simplement prisonnier de guerre pendant cinq ans, pouvait, après les cinq ans révolus, contracter un autre mariage.

Justinien était chrétien, et même théologien : comment donc arriva-t-il que l’Église dérogeât à ses lois ? Ce fut quand l’Église devint souveraine et législatrice. Les papes n’eurent pas de peine à substituer leurs décrétales au code dans l’Occident, plongé dans l’ignorance et dans la barbarie. Ils profitèrent tellement de la stupidité des hommes qu’Honorius III, Grégoire IX, Innocent III, défendirent par leurs bulles qu’on enseignât le droit civil. On peut dire de cette hardiesse : Cela n’est pas croyable, mais cela est vrai.

Comme l’Église jugea seule du mariage, elle jugea seule du divorce. Point de prince qui ait fait un divorce et qui ait épousé une seconde femme sans l’ordre du pape avant Henri VIII, roi d’Angleterre, qui ne se passa du pape qu’après avoir longtemps sollicité son procès en cour de Rome.

Cette coutume, établie dans des temps d’ignorance, se perpétua dans les temps éclairés, par la seule raison qu’elle existait. Tout abus s’éternise de lui-même : c’est l’écurie d’Augias, il faut un Hercule pour la nettoyer.

Henri IV ne put être père d’un roi de France que par une sentence du pape : encore fallut-il, comme on l’a déjà remarqué[1], non pas prononcer un divorce, mais mentir en prononçant qu’il n’y avait point eu de mariage.


SECTION II[2].


  1. Voyez l’article Adultère, tome XVII, page 70, et l’Histoire du Parlement, chapitre xli (tome XVI).
  2. Cette seconde section se composait du Mémoire d’un magistrat écrit vers l’an 1764, qui fait partie de l’article Adultère, tome XVII, page 68.