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BRACHMANES, BRAMES.

n’ait pas stipulé la dot qu’on devait donner à la fille, et les honneurs qu’on devait rendre au père le jour des noces.

Par convenance on ne pouvait guère pousser plus loin la morale approfondie, les règles nouvelles de l’honnêteté publique, les beaux paradoxes, les maximes divines, dont cet auteur a régalé notre siècle. Il aurait été sans doute par convenance un des garçons... de la noce. Il aurait fait l’épithalame de la princesse, et n’aurait pas manqué de célébrer les hautes œuvres de son père. C’est pour lors que la nouvelle mariée aurait donné des baisers âcres, car le même écrivain introduit dans un autre roman, intitulé Héloïse, un jeune Suisse qui a gagné dans Paris une de ces maladies qu’on ne nomme pas, et qui dit à sa Suissesse : Garde tes baisers, ils sont trop âcres[1].

On ne croira pas un jour que de tels ouvrages aient eu une espèce de vogue. Elle ne ferait pas honneur à notre siècle si elle avait duré. Les pères de famille ont conclu bientôt qu’il n’était pas honnête de marier leurs fils aînés à des filles de bourreau, quelque convenance qu’on pût apercevoir entre le poursuivant et la poursuivie.

Est modus in rebus, sunt certi denique fines,
Quos ultra citraque nequit consistere rectum.

(Hor., lib. I, sat. i.)


BRACHMANES, BRAMES[2].


Ami lecteur, observez d’abord que le P. Thomassin, l’un des plus savants hommes de notre Europe, dérive les brachmanes d’un mot juif barac par un C, supposé que les Juifs eussent un C. Ce barac signifiait, dit-il, s’enfuir, et les brachmanes s’enfuyaient des villes, supposé qu’alors il y eût des villes.

Ou, si vous l’aimez mieux, brachmanes vient de barak par un

  1. Voyez la Nouvelle Héloïse de J.-J. Rousseau, lettre xiv de la première partie.
  2. Questions sur l’Encyclopédie, troisième partie, 1770.

    Voyez aussi dans les Mélanges, année 1773, les Fragments historiques sur l’Inde, chapitre vii. (B.)

    — Au XVIIIe siècle, notre ignorance était la plus complète sur l’Inde. Quelques notions tirées des auteurs grecs, amalgamées avec les renseignements des voyageurs modernes, la bibliothèque orientale d’Herbelot, et le Théâtre de l’idolâtrie, par Abraham, tel fut d’abord le bagage. Un jour Voltaire, prenant un traité de controverse contre le vichnouisme pour un des Védas, le déposa à la Bibliothèque du roi comme étant l’Ézour-Veidam. Les travaux d’Anquetil-Duperron, de William Jones, vinrent plus tard, ainsi que les relations de Sonnerat, du Père Paulin, de la chanoinesse Polier, etc. (G. A.)