et il juge de là que l’âme entre chez lui par les pieds ; que vers les quinze ans elle a monté au milieu du corps ; qu’elle va ensuite au cœur, puis à la tête, et qu’elle en sort à pieds joints quand l’animal finit sa vie.
A la fin de ce poëme singulier, rempli de vers ingénieux et d’idées aussi fines que plaisantes, on voit ce vers charmant de Fontenelle :
Il est des hochets pour tout âge.
Prior prie la fortune de lui donner des hochets pour sa vieillesse :
Give us playthings for our old age.
Et il est bien certain que Fontenelle n’a pas pris ce vers de Prior, ni Prior de Fontenelle : l’ouvrage de Prior est antérieur de vingt ans, et Fontenelle n’entendait pas l’anglais.
Le poëme est terminé par cette conclusion :
Je n’aurai point la fantaisie
D’imiter ce pauvre Caton,
Qui meurt dans notre tragédie
Pour une page de Platon.
Car, entre nous, Platon m’ennuie.
La tristesse est une folie :
Être gai, c’est avoir raison.
Çà, qu’on m’ôte mon Cicéron,
D’Aristote la rapsodie,
De René la philosophie ;
Et qu’on m’apporte mon flacon.
Distinguons bien dans tous ces poèmes le plaisant, le léger, le naturel, le familier, du grotesque, du bouffon, du bas, et surtout du forcé. Ces nuances sont démêlées par les connaisseurs, qui seuls à la longue font le destin des ouvrages.
La Fontaine a bien voulu quelquefois descendre au style burlesque.
Autrefois carpillon fretin
Eut beau prêcher, il eut beau dire,
On le mit dans la poêle à frire.
(Fable X du livre IX.)
Il appelle les louveteaux, messieurs les louvats. Phèdre ne se sert jamais de ce style dans ses fables ; mais aussi il n’a pas la grâce et la naïve mollesse de La Fontaine, quoiqu’il ait plus de précision et de pureté.