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BOUFFON.

Le Virgile travesti est à peu près dans ce goût ; mais rien n’est plus abominable que sa Mazarinade :

Mais mon Jules n’est pas César ;
C’est un caprice du hasard,
Qui naquit garçon et fut garce,
Qui n’était né que pour la farce....
Tous tes desseins prennent un rat
Dans la moindre affaire d’État.
Singe du prélat de Sorbonne,
Ma foi, tu nous la bailles bonne :
Tu n’es à ce cardinal duc
Comparable qu’en aqueduc.
Illustre en ta partie honteuse,
Ta seule braguette est fameuse.

 

Va rendre compte au Vatican
De tes meubles mis à l’encan....
D’être cause que tout se perde,
De tes caleçons pleins de merde.

Ces saletés font vomir et le reste est si exécrable qu’on n’ose le copier. Cet homme était digne du temps de la Fronde. Rien n’est peut-être plus extraordinaire que l’espèce de considération qu’il eut pendant sa vie, si ce n’est ce qui arriva dans sa maison après sa mort[1].

On commença par donner d’abord le nom de poème burlesque au Lutrin de Boileau ; mais le sujet seul était burlesque ; le style fut agréable et fin, quelquefois même héroïque.

Les Italiens avaient une autre sorte de burlesque qui était bien supérieur au nôtre : c’est celui de l’Arétin, de l’archevêque La Casa, du Berni, du Mauro, du Dolce. La décence y est souvent sacrifiée à la plaisanterie ; mais les mots déshonnêtes en sont communément bannis. Le Capitolo del forno de l’archevêque La Casa roule à la vérité sur un sujet qui fait enfermer à Bicêtre les abbés Desfontaines, et qui mène en Grève les Duchaufour[2] ; cependant il n’y a pas un mot qui offense les oreilles chastes : il faut deviner.

Trois ou quatre Anglais ont excellé dans ce genre : Butler, dans son Hudibras, qui est la guerre civile excitée par les puritains

  1. Allusion à la fortune de sa veuve, qui devint la femme de Louis XIV.
  2. Ou plutôt Deschauffours.