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DICTIONNAIRE.


Le vocabuliste traite Boindin de scélérat ; ses parents voulaient attaquer en justice et faire punir un auteur qui mérite si bien le nom qu’il ose donner à un magistrat, à un savant estimable ; mais le calomniateur se cachait sous un nom supposé, comme la plupart des libellistes.

Immédiatement après avoir parlé si indignement d’un homme respectable pour lui, il le regarde comme un témoin irréfragable, parce que Boindin, dont la mauvaise humeur était connue, a laissé un mémoire très-mal fait et très-téméraire, dans lequel il accuse Lamotte, le plus honnête homme du monde, un géomètre, et un marchand quincaillier, d’avoir fait les vers infâmes qui firent condamner Jean-Baptiste Rousseau. Enfin, dans la liste des ouvrages de Boindin, il omet exprès ses excellentes dissertations imprimées dans le Recueil de l’Académie des belles-lettres, dont il était un membre très-distingué.

L’article Fontenelle n’est qu’une satire de cet ingénieux et savant académicien dont l’Europe littéraire estime la science et les talents. L’auteur a l’impudence de dire que « son Histoire des oracles ne fait pas honneur à sa religion ». Si Van Dale, auteur de l’Histoire des oracles[1], et son rédacteur Fontenelle, avaient vécu du temps des Grecs et de la république romaine, on pourrait dire avec raison qu’ils étaient plutôt de bons philosophes que de bons païens ; mais, en bonne foi, quel tort font-ils à la religion chrétienne en faisant voir que les prêtres païens étaient des fripons ? Ne voit-on pas que les auteurs de ce libelle, intitulé Dictionnaire, plaident leur propre cause ? Jam proximus ardet Ucalegon[2]. Mais serait-ce insulter à la religion chrétienne que de prouver la friponnerie des convulsionnaires ? Le gouvernement a fait plus, il les a punis, sans être accusé d’irréligion.

Le libelliste ajoute qu’il soupçonne Fontenelle de n’avoir rempli ses devoirs de chrétien que par mépris pour le christianisme même. C’est une étrange démence dans ces fanatiques de crier toujours qu’un philosophe ne peut être chrétien ; il faudrait les excommunier et les punir pour cela seul : car c’est assurément vouloir détruire le christianisme que d’assurer qu’il est impossible de bien raisonner, et de croire une religion si raisonnable et si sainte.

  1. L’Histoire des Oracles fut d’abord écrite en latin par un médecin de Harlem, Antoine Van Dale, et publiée à Amsterdam en 1683, sous ce titre : De oraculis veterum ethnicorum Dissertationes duœ. L’ouvrage de Fontenelle n’en est qu’une imitation. (E. B.)
  2. Virgile, Æn., II, 311-12.