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DÉNOMBREMENT.

qu’il y eut un dénombrement universel de toute la terre, et que Cyrénius[1] était gouverneur de Judée. Il faut donc s’en rapporter uniquement à lui, sans même chercher à le concilier avec Flavius Josèphe, ni avec aucun autre historien.

Au reste, ni le Nouveau Testament ni l’Ancien ne nous ont été donnés pour éclaircir des points d’histoire, mais pour nous annoncer des vérités salutaires, devant lesquelles tous les événements et toutes les opinions devaient disparaître[2]. C’est toujours ce que nous répondons aux faux calculs, aux contradictions, aux absurdités, aux fautes énormes de géographie, de chronologie, de physique, et même de sens commun, dont les philosophes nous disent sans cesse que la sainte Écriture est remplie : nous ne cessons de leur dire qu’il n’est point ici question de raison, mais de foi et de piété.


SECTION II[3].


À l’égard du dénombrement des peuples modernes, les rois n’ont point à craindre aujourd’hui qu’un docteur Gad vienne leur proposer, de la part de Dieu, la famine, la guerre ou la peste, pour les punir d’avoir voulu savoir leur compte. Aucun d’eux ne le sait.

On conjecture, on devine, et toujours à quelques millions d’hommes près.

J’ai porté le nombre d’habitants qui composent l’empire de Russie à vingt-quatre millions[4] sur les Mémoires qui m’ont été envoyés ; mais je n’ai point garanti cette évaluation, car je connais très-peu de choses que je voulusse garantir.

J’ai cru que l’Allemagne possède autant de monde en comptant les Hongrois. Si je me suis trompé d’un million ou deux, on sait que c’est une bagatelle en pareil cas.

Je demande pardon au roi d’Espagne si je ne lui accorde que sept millions de sujets dans notre continent. C’est bien peu de chose ; mais don Ustariz, employé dans le ministère, ne lui en donne pas davantage.

  1. Saint Luc, II, 2, appelle Cyrinus le gouverneur de la Judée : Voltaire l’appelle Cirinius ou Cirinus dans l’article Noël du présent Dictionnaire ; mais il le nomme Cirénius dans l’article Dénombrement, et encore dans son opuscule De la Paix perpétuelle (voyez Mélanges, année 1769), et dans la dix-neuvième des Questions, ou Lettres sur les miracles (voyez Mélanges, année 1765).
  2. La fin de cet alinéa n’est pas dans l’édition de 1771 ; elle fut ajoutée en 1774. (B.)
  3. Voyez la note 2 de la page 340.
  4. Histoire de Russie, partie Ire, chapitre ii (tome XVI).