Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome18.djvu/346

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
336
DÉMONIAQUES.


DÉMONIAQUES[1].


Possédés du démon, énergumènes, exorcisés, « ou plutôt » malades de la matrice, des pâles couleurs, hypocondriaques, épileptiques, cataleptiques, guéris par les émollients de M. Pomme, grand exorciste.


Les vaporeux, les épileptiques, les femmes travaillées de l’utérus, passèrent toujours pour être les victimes des esprits malins, des démons malfaisants, des vengeances des dieux. Nous avons vu[2] que ce mal s’appelait le mal sacré, et que les prêtres de l’antiquité s’emparèrent partout de ces maladies, attendu que les médecins étaient de grands ignorants.

Quand les symptômes étaient fort compliqués, c’est qu’on avait plusieurs démons dans le corps, un démon de fureur, un de luxure, un de contraction, un de roideur, un d’éblouissement, un de surdité ; et l’exorciseur avait à coup sûr un démon d’absurdité joint à un de friponnerie.

[3] Nous avons vu[4] que les Juifs chassaient les diables du corps des possédés avec la racine barath et des paroles ; que notre Sauveur les chassait par une vertu divine, qu’il communiqua cette vertu à ses apôtres, mais que cette vertu est aujourd’hui fort affaiblie.

On a voulu renouveler depuis peu l’histoire de saint Paulin. Ce saint vit à la voûte d’une église un pauvre démoniaque qui marchait sous cette voûte ou sur cette voûte, la tête en bas et les pieds en haut, à peu près comme une mouche. Saint Paulin vit bien que cet homme était possédé ; il envoya vite chercher à quelques lieues de là des reliques de saint Félix de Nole : on les appliqua au patient comme des vésicatoires. Le démon, qui soutenait cet homme contre la voûte, s’enfuit aussitôt, et le démoniaque tomba sur le pavé.

Nous pouvons douter de cette histoire en conservant le plus profond respect pour les vrais miracles ; et il nous sera permis de dire que ce n’est pas ainsi que nous guérissons aujourd’hui les démoniaques. Nous les saignons, nous les baignons, nous les

  1. Questions sur l’Encyclopédie, quatrième partie, 1771. (B.)
  2. Tome XI, page 136 ; et dans les Mélanges, année 1768, le troisième entretien de l’A, B, C.
  3. Cet alinéa n’existait pas en 1771 : il a été ajouté en 1774. (B.)
  4. Voyez la note 1, tome XI, page 137.