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DÉLUGE UNIVERSEL.

dire imitateur, comédien ; il n’y a pas moyen de donner au déluge une telle origine,

Encelade, autre preuve du déluge en hébreu : car, selon Pluche, c’est la fontaine du temps ; mais malheureusement, en grec, c’est du bruit.

Éphialtes, autre démonstration du déluge en hébreu : car éphialtes, qui signifie sauteur, oppresseur, incube, en grec, est, selon Pluche, un grand amas de nuées.

Or, les Grecs ayant tout pris chez les Hébreux, qu’ils ne connaissaient pas, ont évidemment donné à leurs géants tous ces noms que Pluche tire de l’hébreu comme il peut ; le tout en mémoire du déluge.

Deucalion, selon lui, signifie l’affaiblissement du soleil. Cela n’est pas vrai ; mais n’importe.

C’est ainsi que raisonne Pluche ; c’est lui que cite l’auteur de l’article Déluge sans le réfuter. Parle-t-il sérieusement ? se moque-t-il ? je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est qu’il n’y a guère de système dont on puisse parler sans rire.

J’ai peur que cet article du Grand Dictionnaire, attribué à M. Boulanger, ne soit sérieux ; en ce cas nous demandons si ce morceau est philosophique ? La philosophie se trompe si souvent que nous n’osons prononcer contre M. Boulanger.

Nous osons encore moins demander ce que c’est que l’abîme qui se rompit et les cataractes du ciel qui s’ouvrirent. Isaac Vossius nie l’universalité du déluge[1] ; hoc est pie nugari. Calmet la soutient en assurant que les corps ne pèsent dans l’air que par la raison que l’air les comprime. Calmet n’était pas physicien, et la pesanteur de l’air n’a rien à faire avec le déluge. Contentons-nous de lire et de respecter tout ce qui est dans la Bible[2] sans en comprendre un mot.

Je ne comprends pas comment Dieu créa une race pour la noyer, et pour lui substituer une race plus méchante encore ;

Comment sept paires de toutes les espèces d’animaux non immondes vinrent des quatre quarts du globe, avec deux paires des immondes, sans que les loups mangeassent les brebis en chemin, et sans que les éperviers mangeassent les pigeons, etc., etc. ;

Comment huit personnes purent gouverner, nourrir, abreuver

  1. Commentaire sur la Genèse, page 197, etc. (Note de Voltaire.)
  2. En 1771 l’article finissait ainsi : « Contentons-nous de lire et de respecter tout ce qui est dans la Bible sans le comprendre. » Le texte actuel est de 1774. (B.)