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DÉFLORATION.


DÉFLORATION[1].


Il semble que le Dictionnaire encyclopédique, à l’article Défloration, fasse entendre qu’il n’était pas permis par les lois romaines de faire mourir une fille, à moins qu’auparavant on ne lui ôtât sa virginité. On donne pour exemple la fille de Séjan, que le bourreau viola dans la prison avant de l’étrangler, pour n’avoir pas à se reprocher d’avoir étranglé une pucelle, et pour satisfaire à la loi[2].

Premièrement, Tacite ne dit point que la loi ordonnât qu’on ne fît jamais mourir les pucelles. Une telle loi n’a jamais existé ; et si une fille de vingt ans, vierge ou non, avait commis un crime capital, elle aurait été punie comme une vieille mariée ; mais la loi portait qu’on ne punirait pas de mort les enfants, parce qu’on les croyait incapables de crimes.

La fille de Séjan était enfant aussi bien que son frère, et si la barbarie de Tibère et la lâcheté du sénat les abandonnèrent au bourreau, ce fut contre toutes les lois. De telles horreurs ne se seraient pas commises du temps des Scipions et de Caton le censeur, Cicéron n’aurait pas fait mourir une fille de Catilina, âgée de sept à huit ans. Il n’y avait que Tibère et le sénat de Tibère qui pussent outrager ainsi la nature. Le bourreau qui commit les deux crimes abominables de déflorer une fille de huit ans, et de l’étrangler ensuite, méritait d’être un des favoris de Tibère.

Heureusement Tacite ne dit point que cette exécrable exécution soit vraie ; il dit qu’on l’a rapportée, tradunt ; et ce qu’il faut bien observer, c’est qu’il ne dit point que la loi défendît d’infliger le dernier supplice à une vierge, il dit seulement que la chose était inouïe, inauditum. Quel livre immense on composerait de tous les faits qu’on a crus, et dont il fallait douter !


DÉISME, voyez THÉISME.


  1. Questions sur l’Encyclopédie, quatrième partie, 1771. (B.)
  2. « Les anciens avaient tant de respect pour les vierges, lit-on dans l’Encyclopédie, qu’on ne les faisait point mourir sans leur avoir auparavant ôté leur virginité. Tacite (Ann., V, xix) l’assure de la fille encore jeune de Séjan... »