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BOUC.

boucs[1]. Le texte hébreu porte expressément boucs. Mais ce qui outragea la nature humaine, ce fut le brutal égarement de quelques Juives qui furent passionnées pour des boucs, et des Juifs qui s’accouplèrent avec des chèvres. Il fallut une loi expresse pour réprimer cette horrible turpitude. Cette loi fut donnée dans le Lévitique[2], et y est exprimée à plusieurs reprises. D’abord c’est une défense éternelle de sacrifier aux velus avec lesquels on a forniqué. Ensuite une autre défense aux femmes de se prostituer aux bêtes[3] et aux hommes de se souiller du même crime. Enfin il est ordonné[4] que quiconque se sera rendu coupable de cette turpitude sera mis à mort avec l’animal dont il aura abusé. L’animal est réputé aussi criminel que l’homme et la femme ; il est dit que leur sang retombera sur eux tous.

C’est principalement des boucs et des chèvres dont il s’agit dans ces lois, devenues malheureusement nécessaires au peuple hébreu. C’est aux boucs et aux chèvres, aux asirim, qu’il est dit que les Juifs se sont prostitués : asiri, un bouc et une chèvre ; asirim, des boucs et des chèvres. Cette fatale dépravation était commune dans plusieurs pays chauds. Les Juifs alors erraient dans un désert où l’on ne peut guère nourrir que des chèvres et des boucs. On ne sait que trop combien cet excès a été commun chez les bergers de la Calabre, et dans plusieurs autres contrées de l’Italie. Virgile même en parle dans sa troisième églogue[5] : le

Novimus et qui te, transversa tuentibus hircis

n’est que trop connu.

On ne s’en tint pas à ces abominations. Le culte du bouc fut établi dans l’Égypte, et dans les sables d’une partie de la Palestine. On crut opérer des enchantements par le moyen des boucs, des égypans, et de quelques autres monstres auxquels on donnait toujours une tête de bouc.

La magie, la sorcellerie passa bientôt de l’Orient dans l’Occident, et s’étendit dans toute la terre. On appelait sabbatum chez les Romains l’espèce de sorcellerie qui venait des Juifs, en confondant ainsi leur jour sacré avec leurs secrets infâmes. C’est de là qu’enfin être sorcier et aller au sabbat fut la même chose chez les nations modernes.

  1. Livre II, Paralip., chapitre xi, v. 15. (Note de Voltaire.)
  2. Lévit., chapitre xvii, v. 7. (Id.)
  3. Chap. xviii, v. 23. (Note de Voltaire.)
  4. Chapitre xx, v. 15 et 16. (Id.)
  5. Vers 8.