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CRITIQUE.

pour te répondre, ou qu’ils lèvent les mains au ciel contre toi loin de ta face. Ne peux-tu pas voir sans eux la vérité qui doit te frapper ? Ne peux-tu pas voir que le père était à une lieue de sa fille au milieu de vingt personnes, quand cette malheureuse fille s’échappa des bras de sa mère ? Peux-tu ignorer que toute la famille l’a cherchée pendant vingt jours et vingt nuits ? Tu ne réponds à cela que ces mots : contumace, contumace. Quoi ! parce qu’un homme est absent, il faut qu’on le condamne à être pendu, quand son innocence est évidente ! C’est la jurisprudence d’un sot et d’un monstre. Et la vie, les biens, l’honneur des citoyens, dépendront de ce code d’Iroquois ! »

La famille Sirven traîna son malheur loin de sa patrie pendant plus de huit années. Enfin la superstition sanguinaire qui déshonorait le Languedoc ayant été un peu adoucie, et les esprits étant devenus plus éclairés, ceux qui avaient consolé les Sirven pendant leur exil leur conseillèrent de venir demander justice au parlement de Toulouse même, lorsque le sang des Calas ne fumait plus, et que plusieurs se repentaient de l’avoir répandu. Les Sirven furent justifiés.

Erudimini, qui judicatis terram.
(Ps. ii, v. 10.)


CRITIQUE.


L’article Critique fait par M. de Marmontel dans l’Encyclopédie est si bon, qu’il ne serait pas pardonnable d’en donner ici un nouveau si on n’y traitait pas une matière toute différente sous le même titre. Nous entendons ici cette critique née de l’envie, aussi ancienne que le genre humain. Il y a environ trois mille ans qu’Hésiode a dit : « Le potier porte envie au potier, le forgeron au forgeron, le musicien au musicien. »

[1] Je ne prétends point parler ici de cette critique de scoliaste, qui restitue mal un mot d’un ancien auteur qu’auparavant on entendait très-bien. Je ne touche point à ces vrais critiques qui ont débrouillé ce qu’on peut de l’histoire et de la philosophie anciennes. J’ai en vue les critiques qui tiennent à la satire.

  1. C’était ici qu’en 1764 commençait l’article dans le Dictionnaire philosophique. Ce qui précède fut ajouté en 1771 dans les Questions sur l’Encyclopédie, quatrième partie ; et immédiatement après ce premier alinéa on lisait : « Le duc de Sully, etc. » Voyez page 286. (B.)