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COUTUMES.


Hilas devait dire seulement à Philonoüs : Nous ne savons rien sur le fond de ce sujet, de cette substance étendue, solide, divisible, mobile, figurée, etc. ; je ne la connais pas plus que le sujet pensant, sentant et voulant ; mais ce sujet n’en existe pas moins, puisqu’il a des propriétés essentielles dont il ne peut être dépouillé[1].

Nous sommes tous comme la plupart des dames de Paris : elles font grande chère sans savoir ce qui entre dans les ragoûts ; de même nous jouissons des corps sans savoir ce qui les compose. De quoi est fait le corps ? de parties, et ces parties se résolvent en d’autres parties. Que sont ces dernières parties ? toujours des corps ; vous divisez sans cesse, et vous n’avancez jamais.

Enfin un subtil philosophe[2], remarquant qu’un tableau est fait d’ingrédients dont aucun n’est un tableau, et une maison de matériaux dont aucun n’est une maison, imagina que les corps sont bâtis d’une infinité de petits êtres qui ne sont pas corps ; et cela s’appelle des monades. Ce système ne laisse pas d’avoir son bon, et s’il était révélé, je le croirais très-possible ; tous ces petits êtres seraient des points mathématiques, des espèces d’âmes qui n’attendraient qu’un habit pour se mettre dedans : ce serait une métempsycose continuelle. Ce système en vaut bien un autre ; je l’aime bien autant que la déclinaison des atomes, les formes substantielles, la grâce versatile, et les vampires[3].



COURTISANS LETTRÉS[4].



COUTUMES[5].


Il y a, dit-on, cent quarante-quatre coutumes en France qui ont force de loi ; ces lois sont presque toutes différentes. Un homme qui voyage dans ce pays change de loi presque autant de fois qu’il change de chevaux de poste. La plupart de ces coutumes ne commencèrent à être rédigées par écrit que du temps de Char-

  1. Voyez sur cet objet l’article Existence dans l’Encyclopédie ; c’est le seul ouvrage où la question de l’existence des objets extérieurs ait été bien éclaircie, et où l’on trouve les principes qui peuvent conduire à la résoudre. (K.) — L’article Existence dont il est question dans cette note est du chevalier de Jaucourt. (B.)
  2. Leibnitz.
  3. Dans l’édition de 1764 on lisait : « et les vampires de dom Calmet ». (B.)
  4. Cet article se composait de la xxe des Lettres philosophiques (Sur les Seigneurs qui cultivent les lettres).
  5. Questions sur l’Encyclopédie, quatrième partie, 1771. (B.)