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CONTRADICTIONS.

les géomètres et les animaux ; ils sont conduits par deux règles invariables : la démonstration et l’instinct ; et encore les géomètres ont-ils eu quelques disputes, mais les animaux n’ont jamais varié.


Des contradictions dans les hommes et dans les affaires.


Les contrastes, les jours et les ombres sous lesquels on représente dans l’histoire les hommes publics, ne sont pas des contradictions, ce sont des portraits fidèles de la nature humaine.

Tous les jours on condamne et on admire Alexandre, le meurtrier de Clitus, mais le vengeur de la Grèce, le vainqueur des Perses, et le fondateur d’Alexandrie ;

César le débauché, qui vole le trésor public de Rome pour asservir sa patrie, mais dont la clémence égale la valeur, et dont l’esprit égale le courage ;

Mahomet, imposteur, brigand ; mais le seul des législateurs religieux qui ait eu du courage, et qui ait fondé un grand empire ;

L’enthousiaste Cromwell, fourbe dans le fanatisme même, assassin de son roi en forme juridique, mais aussi profond politique que valeureux guerrier.

Mille contrastes se présentent souvent en foule, et ces contrastes sont dans la nature ; ils ne sont pas plus étonnants qu’un beau jour suivi de la tempête.


Des contradictions apparentes dans les livres.


Il faut soigneusement distinguer dans les écrits, et surtout dans les livres sacrés, les contradictions apparentes et les réelles. Il est dit dans le Pentateuque que Moïse était le plus doux des hommes, et qu’il fit égorger vingt-trois mille Hébreux qui avaient adoré le veau d’or, et vingt-quatre mille qui avaient ou épousé comme lui, ou fréquenté des femmes madianites ; mais de sages commentateurs ont prouvé solidement que Moïse était d’un naturel très-doux, et qu’il n’avait fait qu’exécuter les vengeances de Dieu en faisant massacrer ces quarante-sept mille Israélites coupables, comme nous l’avons déjà vu[1].

Des critiques hardis ont cru apercevoir une contradiction dans le récit où il est dit que Moïse changea toutes les eaux de l’Égypte

  1. Tome XI, page 118.