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CONTRADICTIONS.

Cet empire était réfugié à Constantinople, quand un Allemand, un Austrasien alla d’Aix-la-Chapelle à Rome, dépouiller pour jamais les césars grecs de ce qui leur restait en Italie. Il prit le nom de césar, d’imperator ; mais ni lui ni ses successeurs n’osèrent jamais résider à Rome. Cette capitale ne peut ni se vanter ni se plaindre que depuis Augustule, dernier excrément de l’empire romain, aucun césar ait vécu et soit enterré dans ses murs.

Il est difficile que l’empire soit saint, parce qu’il professe trois religions, dont deux sont déclarées impies, abominables, damnables et damnées, par la cour de Rome, que toute la cour impériale regarde comme souveraine sur ces cas.

Il n’est certainement pas romain, puisque l’empereur n’a pas dans Rome une maison.

En Angleterre on sert les rois à genoux. La maxime constante est que le roi ne peut jamais faire mal : The king can do no wrong. Ses ministres seuls peuvent avoir tort ; il est infaillible dans ses actions comme le pape dans ses jugements. Telle est la loi fondamentale, la loi salique d’Angleterre. Cependant le parlement juge son roi Édouard II vaincu et fait prisonnier par sa femme : on déclare qu’il a tous les torts du monde, et qu’il est déchu de tous droits à la couronne. Guillaume Trussel vient dans sa prison lui faire le compliment suivant :

« Moi, Guillaume Trussel, procureur du parlement et de toute la nation anglaise, je révoque l’hommage à toi fait autrefois ; je te défie, et je te prive du pouvoir royal, et nous ne tiendrons plus à toi doresnavant[1]. »

Le parlement juge et condamne le roi Richard II, fils du grand Édouard III. Trente et un chefs d’accusation sont produits contre lui, parmi lesquels on en trouve deux singuliers : Qu’il avait emprunté de l’argent sans payer, et qu’il avait dit en présence de témoins qu’il était le maître de la vie et des biens de ses sujets. Le parlement dépose Henri VI, qui avait un très-grand tort, mais d’une autre espèce, celui d’être imbécile.

Le parlement déclare Édouard IV traître, confisque tous ses biens ; et ensuite le rétablit quand il est heureux.

Pour Richard III, celui-là eut véritablement tort plus que tous les autres : c’était un Néron, mais un Néron courageux ; et le parlement ne déclara ses torts que quand il eut été tué.

La chambre représentant le peuple d’Angleterre imputa plus

  1. Rapin Thoiras n’a pas traduit littéralement cet acte. (Note de Voltaire.)