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CONSTANTIN.

mais aussi il s’en fallait beaucoup que l’Allemagne, la France, et l’Angleterre fussent ce qu’elles sont aujourd’hui. Ces trois États sont ceux qui ont le plus gagné à se gouverner par eux-mêmes ; encore a-t-il fallu près de douze siècles pour mettre ces royaumes dans l’état florissant où nous les voyons ; mais il faut avouer que tout le reste a beaucoup perdu à passer sous d’autres lois. Les ruines de l’Asie Mineure et de la Grèce, la dépopulation de l’Égypte, et la barbarie de l’Afrique, attestent aujourd’hui la grandeur romaine. Le grand nombre des villes florissantes qui couvraient ces pays est changé en villages malheureux ; et le terrain même est devenu stérile sous les mains des peuples abrutis[1].


SECTION II[2].


Je ne parlerai point ici de la confusion qui agita l’empire depuis l’abdication de Dioclétien. Il y eut après sa mort six empereurs à la fois. Constantin triompha d’eux tous, changea la religion et l’empire, et fut l’auteur non-seulement de cette grande révolution, mais de toutes celles qu’on a vues depuis dans l’Occident. Vous voudriez savoir quel était son caractère : demandez-le à Julien, à Zosime, à Sozomène, à Victor ; ils vous diront qu’il agit d’abord en grand prince, ensuite en voleur public, et que la dernière partie de sa vie fut d’un voluptueux, d’un effeminé et d’un prodigue. Ils le peindront toujours ambitieux, cruel et sanguinaire. Demandez-le à Eusèbe, à Grégoire de Nazianze, à Lactance ; ils vous diront que c’était un homme parfait. Entre ces deux extrêmes, il n’y a que les faits avérés qui puissent vous faire trouver la vérité. Il avait un beau-père, il l’obligea de se pendre ; il avait un beau-frère, il le fit étrangler ; il avait un neveu de douze à treize ans, il le fit égorger; il avait un fils aîné, il lui fit couper la tête ; il avait une femme, il la fit étouffer dans un bain. Un vieil auteur gaulois dit qu’il aimait à faire maison nette.

Si vous ajoutez à toutes ces affaires domestiques qu’ayant été sur les bords du Rhin à la chasse de quelques hordes de Francs qui habitaient dans ces quartiers-là, et ayant pris leurs rois, qui probablement étaient de la famille de notre Pharamond et de

  1. Dans l’édition de 1756 on lisait encore :

    « Il faut maintenant tâcher de vous donner quelques éclaircissements sur Dioclétien, qui fut un des plus puissants empereurs de Rome, et dont on a dit tant de bien et de mal. »

    Après quoi venait le morceau qui forme ci-après l’article Dioclétien. (B.)

  2. Suite des Mélanges (4e partie), 1756. (B.)