Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome18.djvu/230

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
220
CONCILES.

vulgaire, après que Constantin eut écrit et envoyé par Ozius cette belle lettre au clergé un peu brouillon d’Alexandrie : « Vous vous querellez pour un sujet bien mince. Ces subtilités sont indignes de gens raisonnables. » Il s’agissait de savoir si Jésus était créé ou incréé. Cela ne touchait en rien la morale, qui est l’essentiel. Que Jésus ait été dans le temps, ou avant le temps, il n’en faut pas moins être homme de bien. Après beaucoup d’altercations, il fut enfin décidé que le Fils était aussi ancien que le Père, et consubstantiel au Père. Cette décision ne s’entend guère ; mais elle n’en est que plus sublime. Dix-sept évêques protestent contre l’arrêt, et une ancienne chronique d’Alexandrie, conservée à Oxford, dit que deux mille prêtres protestèrent aussi ; mais les prélats ne font pas grand cas des simples prêtres, qui sont d’ordinaire pauvres. Quoi qu’il en soit, il ne fut point du tout question de la Trinité dans ce premier concile. La formule porte : « Nous croyons Jésus consubstantiel au Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière, engendré et non fait ; nous croyons aussi au Saint-Esprit. » Le Saint-Esprit, il faut l’avouer, fut traité bien cavalièrement.

Il est rapporté dans le supplément du concile de Nicée que les Pères étaient fort embarrassés pour savoir quels étaient les livres cryphes ou apocryphes de l’Ancien et du Nouveau Testament, les mirent tous pêle-mêle sur un autel ; et les livres à rejeter tombèrent par terre. C’est dommage que cette belle recette soit perdue de nos jours.

Après le premier concile de Nicée, composé de trois cent dix-sept évêques infaillibles, il s’en tint un autre à Rimini ; et le nombre des infaillibles fut cette fois de quatre cents, sans compter un gros détachement à Séleucie d’environ deux cents. Ces six cents évêques, après quatre mois de querelles, ôtèrent unanimement à Jésus sa consubstantialité. Elle lui a été rendue depuis, excepté chez les sociniens : ainsi tout va bien.

Un des grands conciles est celui d’Éphèse, en 431 ; l’évêque de Constantinople Nestorius, grand persécuteur d’hérétiques, fut condamné lui-même comme hérétique, pour avoir soutenu qu’à la vérité Jésus était bien Dieu, mais que sa mère n’était pas absolument mère de Dieu, mais mère de Jésus. Ce fut saint Cyrille qui fit condamner Nestorius ; mais aussi les partisans de Nestorius firent déposer saint Cyrille dans le même concile : ce qui embarrassa fort le Saint-Esprit.

Remarquez ici, lecteur, bien soigneusement que l’Évangile n’a jamais dit un mot, ni de la consubstantialité du Verbe, ni de