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CONCILES.

natures en Jésus. Un moine nommé Eutichès, qui avait déjà beaucoup crié contre Nestorius, assura, pour mieux les contredire l’un et l’autre, que Jésus n’avait aussi qu’une nature. Cette fois-ci le moine se trompa. Quoique son sentiment eût été soutenu l’an 449, à coups de bâton, dans un nombreux concile à Éphèse, Eutichès n’en fut pas moins anathématisé deux ans après par le quatrième concile général que l’empereur Marcien fit tenir à Chalcédoine, où deux natures furent assignées à Jésus.

Restait à savoir combien, avec une personne et deux natures, Jésus devait avoir de volontés. Le cinquième concile général, qui, l’an 553, assoupit, par ordre de Justinien, les contestations touchant la doctrine de trois évêques, n’eut pas le loisir d’entamer cet important objet. Ce ne fut que l’an 680 que le sixième concile général, convoqué aussi à Constantinople par Constantin Pogonat, nous apprit que Jésus a précisément deux volontés ; et ce concile, en condamnant les monothélites qui n’en admettaient qu’une, n’excepta pas de l’anathème le pape Honorius Ier, qui, dans une lettre rapportée par Baronius[1], avait dit au patriarche de Constantinople : « Nous confessons une seule volonté dans Jésus-Christ. Nous ne voyons point que les conciles ni l’Écriture nous autorisent à penser autrement ; mais de savoir si, à cause des œuvres de divinité et d’humanité qui sont en lui, on doit entendre une ou deux opérations, c’est ce que je laisse aux grammairiens, et ce qui n’importe guère. » Ainsi Dieu permit que l’Église grecque et l’Église latine n’eussent rien à se reprocher à cet égard. Comme le patriarche Nestorius avait été condamné pour avoir reconnu deux personnes en Jésus, le pape Honorius le fut à son tour pour n’avoir confessé qu’une volonté dans Jésus.

Le septième concile général, ou second de Nicée, fut assemblé, l’an 787, par Constantin[2], fils de Léon et d’Irène, pour rétablir l’adoration des images. Il faut savoir que deux conciles de Constantinople, le premier l’an 730, sous l’empereur Léon, et l’autre vingt-quatre ans après, sous Constantin Copronyme, s’étaient avisés de proscrire les images, conformément à la loi mosaïque et à l’usage des premiers siècles du christianisme. Aussi le décret de Nicée où il est dit que quiconque ne rendra pas aux images des saints le service, l’adoration, comme à la Trinité, sera jugé anathème, éprouva d’abord des contradictions : les évêques qui voulurent le faire recevoir l’an 789, dans un concile de Constan-

  1. Sur l’année 636. (Note de Voltaire.)
  2. Voyez ci-après, page 216.