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CONCILES.

mille quarante-huit évêques, qui tous, au rapport d’Eutychius[1], furent de sentiments et d’avis différents[2]. Ce prince, ayant eu la patience de les entendre disputer sur cette matière, fut très-surpris de trouver parmi eux si peu d’unanimité ; et l’auteur de la préface arabe de ce concile dit que les actes de ces disputes formaient quarante volumes.

Ce nombre prodigieux d’évêques ne paraîtra pas incroyable, si l’on fait attention à ce que rapporte Usser, cité par Selden[3] que saint Patrice, qui vivait dans le Ve siècle, fonda trois cent soixante-cinq églises, et ordonna un pareil nombre d’évêques, ce qui prouve qu’alors chaque église avait son évêque, c’est-à-dire son surveillant. Il est vrai que par le canon xiii du concile d’Ancyre on voit que les évêques des villes firent leur possible pour ôter les ordinations aux évêques de village, et les réduire à la condition de simples prêtres.

On lut dans le concile de Nicée une lettre d’Eusèbe de Nicomédie, qui contenait l’hérésie manifestement, et découvrait la cabale du parti d’Arius. Il y disait, entre autres choses, que si l’on reconnaissait Jésus fils de Dieu incréé, il faudrait aussi le reconnaître consubstantiel au Père. Voilà pourquoi Athanase, diacre d’Alexandrie, persuada aux Pères de s’arrêter au mot de consubstantiel, qui avait été rejeté comme impropre par le concile d’Antioche, tenu contre Paul de Samosate ; mais c’est qu’il le prenait d’une manière grossière, et marquant de la division, comme on dit que plusieurs pièces de monnaie sont d’un même métal ; au lieu que les orthodoxes expliquèrent si bien le terme de consubstantiel que l’empereur lui-même comprit qu’il n’enfermait aucune idée corporelle, qu’il ne signifiait aucune division de la substance du Père, absolument immatérielle et spirituelle, et qu’il fallait l’entendre d’une manière divine et ineffable. Ils montrèrent encore l’injustice des ariens de rejeter ce mot sous prétexte qu’il n’est pas dans l’Écriture, eux qui employaient tant de mots qui n’y sont point, en disant que le fils de Dieu était tiré du néant, et n’avait pas toujours été.

Alors Constantin écrivit en même temps deux lettres pour publier les ordonnances du concile, et les faire connaître à ceux qui n’y avaient pas assisté. La première, adressée aux Églises en général, dit en beaucoup de paroles que la question de la foi a été examinée, et si bien éclaircie qu’il n’y est resté aucune diffi-

  1. Annales d’Alexandrie, page 440. (Note de Voltaire.)
  2. Selden, des Origines d’Alexandrie, page 76. (Id.)
  3. Page 86. (Id.)