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CHRISTIANISME.

paux de la synagogue, Anne, Caïphe, Summas, Datam, Gamaliel, Juda, Nephtalim. Il y a dans cette histoire des choses qui se concilient assez avec les Évangiles reçus, et d’autres qui ne se voient point ailleurs. On y lit que la femme guérie d’un flux de sang s’appelait Véronique. On y voit tout ce que Jésus fit dans les enfers quand il y descendit.

Nous avons ensuite les deux lettres[1] qu’on suppose que Pilate écrivit à Tibère touchant le supplice de Jésus ; mais le mauvais latin dans lequel elles sont écrites découvre assez leur fausseté.

On poussa le faux zèle jusqu’à faire courir plusieurs lettres de Jésus-Christ. On a conservé la lettre qu’on dit qu’il écrivit à Abgare, roi d’Édesse ; mais alors il n’y avait plus de roi d’Édesse.

On fabriqua cinquante Évangiles qui furent ensuite déclarés apocryphes. Saint Luc[2] nous apprend lui-même que beaucoup de personnes en avaient composé. On a cru qu’il y en avait un nommé l’Évangile éternel, sur ce qu’il est dit dans l’Apocalypse, chap. XIV[3] : « J’ai vu un ange volant au milieu des cieux, et portant l’Évangile éternel. » Les cordeliers, abusant de ces paroles, au XIIIe siècle, composèrent un Évangile éternel par lequel le règne du Saint-Esprit devait être substitué à celui de Jésus-Christ ; mais il ne parut jamais dans les premiers siècles de l’Église aucun livre sous ce titre.

On supposa encore des lettres de la Vierge[4] écrites à saint Ignace le martyr, aux habitants de Messine, et à d’autres.

Abdias, qui succéda immédiatement aux apôtres, fit leur histoire, dans laquelle il mêla des fables si absurdes que ces histoires ont été avec le temps entièrement décréditées ; mais elles eurent d’abord un grand cours. C’est Abdias qui rapporte le combat de saint Pierre avec Simon le Magicien. Il y avait en effet à Rome un mécanicien fort habile, nommé Simon, qui non-seulement faisait exécuter des vols sur les théâtres, comme on le fait aujourd’hui, mais qui lui-même renouvela le prodige attribué à Dédale. Il se fit des ailes, il vola, et il tomba comme Icare : c’est ce que rapportent Pline et Suétone.

Abdias, qui était dans l’Asie, et qui écrivait en hébreu, prétend que saint Pierre et Simon se rencontrèrent à Rome du temps de Néron. Un jeune homme, proche parent de l’empereur,

  1. Voyez la Collection d’anciens évangiles, dans les Mélanges, année 1769.
  2. Saint Luc, I, 1.
  3. Verset 6.
  4. Voyez dans l’article Apocryphes, tome XVII, page 311.