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CHRISTIANISME.

Hilaire, et d’autres, qui ont donné aux récits de ces miracles un sens mystique, un sens allégorique : comme au figuier maudit et séché pour n’avoir pas porté de figues, quand ce n’était pas le temps des figues ; aux démons envoyés dans les corps des cochons, dans un pays où l’on ne nourrissait point de cochons ; à l’eau changée en vin sur la fin d’un repas où les convives étaient déjà échauffés. Mais toutes ces critiques des savants sont confondues par la foi, qui n’en devient que plus pure. Le but de cet article est uniquement de suivre le fil historique, et de donner une idée précise des faits sur lesquels personne ne dispute.

Premièrement, Jésus naquit sous la loi mosaïque, il fut circoncis suivant cette loi, il en accomplit tous les préceptes, il en célébra toutes les fêtes, et il ne prêcha que la morale ; il ne révéla point le mystère de son incarnation ; il ne dit jamais aux Juifs qu’il était né d’une vierge ; il reçut la bénédiction de Jean dans l’eau du Jourdain, cérémonie à laquelle plusieurs Juifs se soumettaient, mais il ne baptisa jamais personne ; il ne parla point des sept sacrements, il n’institua point de hiérarchie ecclésiastique de son vivant. Il cacha à ses contemporains qu’il était fils de Dieu, éternellement engendré, consubstantiel à Dieu, et que le Saint-Esprit procédait du Père et du Fils. Il ne dit point que sa personne était composée de deux natures et de deux volontés ; il voulut que ces grands mystères fussent annoncés aux hommes dans la suite des temps, par ceux qui seraient éclairés des lumières du Saint-Esprit. Tant qu’il vécut, il ne s’écarta en rien de la loi de ses pères ; il ne montra aux hommes qu’un juste agréable à Dieu, persécuté par ses envieux, et condamné à la mort par des magistrats prévenus. Il voulut que sa sainte Église, établie par lui, fît tout le reste.

Josèphe, au chapitre xii de son histoire, parle d’une secte de Juifs rigoristes, nouvellement établie par un nommé Juda galiléen. Ils méprisent, dit-il, les maux de la terre, etc.[1]

Il faut voir dans quel état était alors la religion de l’empire romain. Les mystères et les expiations étaient accrédités dans presque toute la terre. Les empereurs, il est vrai, les grands et les philosophes n’avaient nulle foi à ces mystères ; mais le peuple, qui en fait de religion donne la loi aux grands, leur imposait la

  1. Ici se trouvait, dans l’édition de 1764 du Dictionnaire philosophique, un morceau que l’auteur a, en 1771, reproduit dans l’article Église de ses Questions sur l’Encyclopédie, avec des différences que j’indiquerai. En le supprimant ici, où il faisait double emploi, j’ai suivi l’avis des éditeurs de Kehl. (B.)