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CHRISTIANISME.

qu’aucun historien romain n’a parlé de ces prodiges, arrivés sous l’empire de Tibère, sous les yeux d’un gouverneur romain, et d’une garnison romaine, qui devait avoir envoyé à l’empereur et au sénat un détail circonstancié du plus miraculeux événement dont les hommes aient jamais entendu parler. Rome elle-même devait avoir été plongée pendant trois heures dans d’épaisses ténèbres ; ce prodige devait avoir été marqué dans les fastes de Rome, et dans ceux de toutes les nations. Dieu n’a pas voulu que ces choses divines aient été écrites par des mains profanes.

Les mêmes savants trouvent encore quelques difficultés dans l’histoire des Évangiles. Ils remarquent que dans saint Matthieu, Jésus-Christ dit aux scribes et aux pharisiens que tout le sang innocent qui a été répandu sur la terre doit retomber sur eux, depuis le sang d’Abel le juste, jusqu’à Zacharie, fils de Barac, qu’ils ont tué entre le temple et l’autel.

Il n’y a point, disent-ils, dans l’histoire des Hébreux, de Zacharie tué dans le temple avant la venue du Messie, ni de son temps ; mais on trouve dans l’histoire du siége de Jérusalem par Josèphe un Zacharie, fils de Barac, tué au milieu du temple par la faction des zélotes. C’est au chapitre xix du livre IV. De là ils soupçonnent que l’Évangile selon saint Matthieu a été écrit après la prise de Jérusalem par Titus. Mais tous les doutes et toutes les objections de cette espèce s’évanouissent, dès qu’on considère la différence infinie qui doit être entre les livres divinement inspirés, et les livres des hommes. Dieu voulut envelopper, d’un nuage aussi respectable qu’obscur, sa naissance, sa vie et sa mort. Ses voies sont en tout différentes des nôtres.

Les savants se sont aussi fort tourmentés sur la différence des deux généalogies de Jésus-Christ. Saint Matthieu donne pour père à Joseph, Jacob ; à Jacob, Mathan ; à Mathan, Éléazar. Saint Luc au contraire dit que Joseph était fils d’Héli ; Héli, de Matat ; Matat, de Lévi ; Lévi, de Melchi, etc.[1] Ils ne veulent pas concilier les cinquante-six ancêtres que Luc donne à Jésus depuis Abraham, avec les quarante-deux ancêtres différents que Matthieu lui donne depuis le même Abraham. Et ils sont effarouchés que Matthieu, en parlant de quarante-deux générations, n’en rapporte pourtant que quarante et une.

Ils forment encore des difficultés sur ce que Jésus n’est point fils de Joseph, mais de Marie. Ils élèvent aussi quelques doutes sur les miracles de notre Sauveur, en citant saint Augustin, saint

  1. La fin de cet alinéa fut ajoutée en 1765. (C.)