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BLÉ OU BLED.
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avis sur les coquilles[1] ils nous permettront de n’être pas du leur sur le blé. Nous ne pensons pas qu’avec du jasmin on ait jamais fait venir des tulipes. Nous trouvons que le germe du blé est tout différent de celui de l’ivraie, et nous ne croyons à aucune transmutation. Quand on nous en montrera, nous nous rétracterons. Nous avons vu, à l’article Arbre à pain, qu’on ne mange point de pain dans les trois quarts de la terre. On prétend que les Éthiopiens se moquaient des Égyptiens, qui vivaient de pain. Mais enfin, puisque c’est notre nourriture principale, le blé est devenu un des plus grands objets du commerce et de la politique. On a tant écrit sur cette matière que si un laboureur semait autant de blé pesant que nous avons de volumes sur cette denrée, il pourrait espérer la plus ample récolte, et devenir plus riche que ceux qui, dans leurs salons vernis et dorés, ignorent l’excès de sa peine et de sa misère.


SECTION II[2].


Richesse du blé.


Dès qu’on commence à balbutier en économie politique, on fait comme font dans notre rue tous les voisins et les voisines qui demandent : Combien a-t-il de rentes, comment vit-il, combien sa fille aura-t-elle en mariage, etc. ? On demande en Europe : L’Allemagne a-t-elle plus de blé que la France ? L’Angleterre recueille-t-elle (et non pas récolte-t-elle) de plus belles moissons que l’Espagne ? Le blé de Pologne produit-il autant de farine que celui de Sicile ? La grande question est de savoir si un pays purement agricole est plus riche qu’un pays purement commerçant.

La supériorité de pays du blé est démontrée par le livre, aussi petit que plein, de M. Melon[3], le premier homme qui ait raisonné en France, par la voie de l’imprimerie, immédiatement après la déraison universelle du système de Law. M. Melon a pu tomber dans quelques erreurs relevées par d’autres écrivains instruits, dont les erreurs ont été relevées à leur tour. En attendant qu’on relève les miennes, voici le fait.

L’Égypte devint la meilleure terre à froment de l’univers

  1. Voyez dans les Mélanges, année 1768, le chapitre xv Des Singularités de la nature.
  2. Voyez la note de la page 5.
  3. Voyez dans les Mélanges, année 1738, une des notes sur les Observations sur messieurs Jean Lass, etc.