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DE LA CHINE.

Mais de tous les chiens, Cerbère fut celui qui eut le plus de réputation ; il avait trois gueules. Nous avons remarqué que tout allait par trois : Isis, Osiris et Orus, les trois premières divinités égyptiaques ; les trois frères, dieux du monde grec, Jupiter, Neptune et Pluton ; les trois parques ; les trois furies ; les trois juges d’enfer ; les trois gueules du chien de là-bas.

Nous nous apercevons ici avec douleur que nous avons omis l’article des chats ; mais nous nous consolons en renvoyant à leur histoire[1]. Nous remarquerons seulement qu’il n’y a point de chats dans les cieux, comme il y a des chèvres, des écrevisses, des taureaux, des béliers, des aigles, des lions, des poissons, des lièvres et des chiens. Mais en récompense, le chat fut consacré ou révéré, ou adoré du culte de dulie dans quelques villes, et peut-être de latrie par quelques femmes.


DE LA CHINE[2].


SECTION PREMIÈRE.


Nous avons assez remarqué ailleurs[3] combien il est téméraire et maladroit de disputer à une nation telle que la chinoise ses titres authentiques. Nous n’avons aucune maison en Europe dont l’antiquité soit aussi bien prouvée que celle de l’empire de la Chine. Figurons-nous un savant maronite du Mont-Athos, qui contesterait la noblesse des Morosini, des Tiepolo, et des autres anciennes maisons de Venise, des princes d’Allemagne, des Montmorency, des Châtillon, des Talleyrand de France, sous prétexte qu’il n’en est parlé ni dans saint Thomas, ni dans saint Bonaventure. Ce maronite passerait-il pour un homme de bon sens ou de bonne foi ?

Je ne sais quels lettrés de nos climats se sont effrayés de l’antiquité de la nation chinoise. Mais ce n’est point ici une affaire de scolastique. Laissez tous les lettrés chinois, tous les mandarins, tous les empereurs reconnaître Fo-hi pour un des premiers qui donnèrent des lois à la Chine, environ deux mille cinq ou six cents ans avant notre ère vulgaire. Convenez qu’il faut qu’il y ait

  1. Par Moncrif, de l’Académie française.
  2. Cette première section formait tout l’article dans les Questions sur l’Encyclopédie, troisième partie, 1770. (B.)
  3. Voyez Essai sur les Mœurs, tome XI, chapitre i, page 165.