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CHARITÉ, HÔPITAUX.

L’art des pantomimes, qui jouent sans parler, est tout différent, et nous en avons vu des exemples très-frappants ; mais cet art ne peut plaire que lorsqu’on représente une action marquée, un événement théâtral qui se dessine aisément dans l’imagination du spectateur. On peut représenter Orosmane tuant Zaïre, et se tuant lui-même ; Sémiramis se traînant, blessée, sur les marches du tombeau de Ninus, et tendant les bras à son fils. On n’a pas besoin de vers pour exprimer ces situations par des gestes, au son d’une symphonie lugubre et terrible. Mais comment deux pantomimes peindront-ils la dissertation de Maxime et de Cinna sur les gouvernements monarchiques et populaires ?

À propos de l’exécution théâtrale chez les Romains, l’abbé Dubos dit que les danseurs dans les intermèdes étaient toujours en robe. La danse exige un habit plus leste. On conserve précieusement dans le pays de Vaud une grande salle de bains bâtie par les Romains, dont le pavé est en mosaïque. Cette mosaïque, qui n’est point dégradée, représente des danseurs vêtus précisément comme les danseurs de l’Opéra. On ne fait pas ces observations pour relever des erreurs dans Dubos ; il n’y a nul mérite dans le hasard d’avoir vu ce monument antique qu’il n’avait point vu ; et on peut d’ailleurs être un esprit très-solide et très-juste, en se trompant sur un passage de Tite-Live.



CHARITÉ.


MAISONS DE CHARITÉ, DE BIENFAISANCE, HÔPITAUX,
HÔTELS-DIEU, etc.[1].


Cicéron parle en plusieurs endroits de la charité universelle, charitas humani generis[2] ; mais on ne voit point que la police et la bienfaisance des Romains aient établi de ces maisons de charité où les pauvres et les malades fussent soulagés aux dépens du public. Il y avait une maison pour les étrangers au port d’Ostia, qu’on appelait Xenodochium. Saint Jérôme rend aux Romains cette justice. Les hôpitaux pour les pauvres semblent avoir été inconnus dans l’ancienne Rome. Elle avait un usage plus noble,

  1. Questions sur l’Encyclopédie, troisième partie, 1770. (B.)
  2. Cicéron n’a pas employé cette expression : il a dit charitas liberorum (Brutus, ep. 12), charitas patriœ (Pro Sexto, 53), charitates patriœ (De Officiis, I, 17). (B.)