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CAUSES FINALES.

Virgile a bien dit ; et Benoît Spinosa[1] qui n’a pas la clarté de Virgile, et qui ne le vaut pas, est forcé de reconnaître une intelligence qui préside à tout. S’il me l’avait niée, je lui aurais dit : « Benoît, tu es fou ; tu as une intelligence et tu la nies, et à qui la nies-tu ? »

Il vient, en 1770, un homme très-supérieur à Spinosa à quelques égards, aussi éloquent que le juif hollandais est sec ; moins méthodique, mais cent fois plus clair ; peut-être aussi géomètre[2], sans affecter la marche ridicule de la géométrie dans un sujet métaphysique et moral : c’est l’auteur du Système de la nature[3] ; il a pris le nom de Mirabaud, secrétaire de l’Académie française. Hélas ! notre bon Mirabaud n’était pas capable d’écrire une page du livre de notre redoutable adversaire. Vous tous qui voulez vous servir de votre raison et vous instruire, lisez cet éloquent et dangereux passage du Système de la nature. (Partie II, chapitre v, pages 153 et suivantes.)

« On prétend que les animaux nous fournissent une preuve convaincante d’une cause puissante de leur existence ; on nous dit que l’accord admirable de leurs parties, que l’on voit se prêter des secours mutuels afin de remplir leurs fonctions et de maintenir leur ensemble, nous annonce un ouvrier qui réunit la puissance à la sagesse. Nous ne pouvons douter de la puissance de la nature ; elle produit tous les animaux que nous voyons, à l’aide des combinaisons de la matière, qui est dans une action

  1. Ou plutôt Baruch ; car il s’appelait Baruch, comme on le dit ailleurs. Il signait B. Spinosa. Quelques chrétiens fort mal instruits, et qui ne savaient pas que Spinosa avait quitté le judaïsme sans embrasser le christianisme, prirent ce B pour la première lettre de Benedictus, Benoît. (Note de Voltaire.) — Cette note de Voltaire a paru pour la première fois dans l’édition in-4o. Dès 1771, dans la quatrième partie de ses Questions sur l’Encyclopédie, il avait dit que Spinosa s’appelait Baruch, et non Benoît. Voyez ci-après la note à la fin de la troisième section de l’article Dieu ; voyez cet article. (B.)
  2. L’édition originale porte : non moins méthodique, cent fois plus clair, aussi géomètre, etc. ; mais l’édition in-4o, l’édition encadrée ou de 1775, données du vivant de l’auteur, contiennent la version que j’ai conservée et qui est aussi celle qu’ont suivie les éditeurs de Kehl. (B.)
  3. Le baron d’Holbach.