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DE CATON, ET DU SUICIDE.

furent inconnues à Caton, à Brutus, à Cassius, à la sublime Arria, à l’empereur Othon, à Marc-Antoine, et à cent héros de la véritable Rome, qui préférèrent une mort volontaire à une vie qu’ils croyaient ignominieuse.

Nous nous tuons aussi, nous autres ; mais c’est quand nous avons perdu notre argent, ou dans l’excès très-rare d’une folle passion pour un objet qui n’en vaut pas la peine. J’ai connu des femmes qui se sont tuées pour les plus sots hommes du monde. On se tue aussi quelquefois parce qu’on est malade, et c’est en cela qu’il y a de la faiblesse.

Le dégoût de son existence, l’ennui de soi-même, est encore une maladie qui cause des suicides. Le remède serait un peu d’exercice, de la musique, la chasse, la comédie, une femme aimable. Tel homme qui dans un excès de mélancolie se tue aujourd’hui aimerait à vivre s’il attendait huit jours.

J’ai presque vu de mes yeux un suicide qui mérite l’attention de tous les physiciens. Un homme d’une profession sérieuse, d’un âge mûr, d’une conduite régulière, n’ayant point de passions, étant au-dessus de l’indigence, s’est tué le 17 octobre 1769, et a laissé au conseil de la ville où il était né l’apologie par écrit de sa mort volontaire, laquelle on n’a pas jugé à propos de publier, de peur d’encourager les hommes à quitter une vie dont on dit tant de mal. Jusque-là il n’y a rien de bien extraordinaire ; on voit partout de tels exemples. Voici l’étonnant.

Son frère et son père s’étaient tués, chacun au même âge que lui. Quelle disposition secrète d’organes, quelle sympathie, quel concours de lois physiques fait périr le père et les deux enfants de leur propre main, et du même genre de mort, précisément quand ils ont atteint la même année ? Est-ce une maladie qui se développe à la longue dans une famille, comme on voit souvent les pères et les enfants mourir de la petite vérole, de la pulmonie, ou d’un autre mal ? Trois, quatre générations sont devenues sourdes, aveugles, ou goutteuses, ou scorbutiques, dans un temps préfix.

Le physique, ce père du moral, transmet le même caractère de père en fils pendant des siècles. Les Appius furent toujours fiers et inflexibles ; les Catons toujours sévères. Toute la lignée des Guises fut audacieuse, téméraire, factieuse, pétrie du plus insolent orgueil et de la politesse la plus séduisante. Depuis François de Guise jusqu’à celui qui seul, et sans être attendu, alla se mettre à la tête du peuple de Naples, tous furent d’une figure, d’un courage et d’un tour d’esprit au-dessus du commun des hommes. J’ai vu les portraits en pied de François de Guise, du Balafré et