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ADULTÈRE.

romain. Les rois de France qu’on appelle de la première race ont presque tous répudié leurs femmes pour en prendre de nouvelles. Enfin il vint un Grégoire IX, ennemi des empereurs et des rois, qui, par un décret, fit du mariage un joug insecouable ; sa décrétale devint la loi de l’Europe. Quand les rois voulurent répudier une femme adultère selon la loi de Jésus-Christ, ils ne purent en venir à bout ; il fallut chercher des prétextes ridicules. Louis le Jeune fut obligé, pour faire son malheureux divorce avec Éléonore de Guienne, d’alléguer une parenté qui n’existait pas. Le roi Henri IV, pour répudier Marguerite de Valois, prétexta une cause encore plus fausse, un défaut de consentement. Il fallut mentir pour faire un divorce légitimement[1].

Quoi, un souverain peut abdiquer sa couronne, et sans la permission du pape il ne pourra abdiquer sa femme ! Est-il possible que des hommes, d’ailleurs éclairés, aient croupi si longtemps dans cette absurde servitude !

Que nos prêtres, que nos moines, renoncent aux femmes, j’y consens ; c’est un attentat contre la population, c’est un malheur pour eux ; mais ils méritent ce malheur qu’ils se sont fait eux-mêmes. Ils ont été les victimes des papes, qui ont voulu avoir en eux des esclaves, des soldats sans famille et sans patrie, vivant uniquement pour l’Église ; mais moi magistrat, qui sers l’État toute la journée, j’ai besoin le soir d’une femme ; et l’Église n’a pas le droit de me priver d’un bien que Dieu m’accorde. Les apôtres étaient mariés, Joseph était marié, et je veux l’être. Si moi Alsacien je dépends d’un prêtre qui demeure à Rome, si ce prêtre a la barbare puissance de me priver d’une femme, qu’il me fasse eunuque pour chanter des miserere dans sa chapelle[2].


MÉMOIRE POUR LES FEMMES.


L’équité demande qu’après avoir rapporté ce Mémoire en faveur des maris, nous mettions aussi sous les yeux du public le plai-

  1. Voyez l’Histoire du Parlement, chapitre XLI.
  2. L’empereur Joseph II vient de donner à ses peuples une nouvelle législation sur les mariages. Par cette législation, le mariage devient ce qu’il doit être : un simple contrat civil. Il a également autorisé le divorce sans exiger d’autre motif que la volonté constante des deux époux. Sur ces deux objets, plus importants qu’on ne croit pour la morale et la prospérité des États, il a donné un grand exemple qui sera suivi par les autres nations de l’Europe, quand elles commenceront à sentir qu’il n’est pas plus raisonnable de consulter sur la législation les théologiens que les danseurs de corde. (K.)