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ACADÉMIE.

rendre compte sur-le-champ d’une dissertation sur des points épineux de physique et de mathématiques ; et il passa pour un Mécène. Cet usage de résumer les discours a cessé, mais la dépendance est demeurée.

Ce mot d’académie devint si célèbre que lorsque Lulli, qui était une espèce de favori, eut obtenu l’établissement de son Opéra en 1672, il eut le crédit de faire insérer dans les patentes que c’était une « Académie royale de musique, et que les gentilshommes et les demoiselles pourraient y chanter sans déroger ». Il ne fit pas le même honneur aux danseurs et aux danseuses ; cependant le public a toujours conservé l’habitude d’aller à l’Opéra, et jamais à l’Académie de musique.

On sait que ce mot académie, emprunté des Grecs, signifiait originairement une société, une école de philosophie d’Athènes, qui s’assemblait dans un jardin légué par Academus.

Les Italiens furent les premiers qui instituèrent de telles sociétés après la renaissance des lettres, L’Académie de la Crusca est du XVIe siècle. Il y en eut ensuite dans toutes les villes où les sciences étaient cultivées.

Ce titre a été tellement prodigué en France qu’on l’a donné pendant quelques années à des assemblées de joueurs qu’on appelait autrefois des tripots. On disait académies de jeu. On appela les jeunes gens qui apprenaient l’équitation et l’escrime dans des écoles destinées à ces arts, académistes, et non pas académiciens.

Le titre d’académicien n’a été attaché par l’usage qu’aux gens de lettres des trois Académies, la française, celle des sciences, celle des inscriptions.

L’Académie française a rendu de grands services à la langue.

Celle des sciences a été très utile, en ce qu’elle n’adopte aucun système, et qu’elle publie les découvertes et les tentatives nouvelles.

Celle des inscriptions s’est occupée des recherches sur les monuments de l’antiquité, et depuis quelques années il en est sorti des mémoires très instructifs.

C’est un devoir établi par l’honnêteté publique, que les membres de ces trois Académies se respectent les uns les autres dans les recueils que ces sociétés impriment. L’oubli de cette politesse nécessaire est très rare. Cette grossièreté n’a guère été reprochée de nos jours qu’à l’abbé Foucher[1] de l’Académie des inscriptions,

  1. Voyez le Mercure de France, juin, page 151 ; juillet, deuxième volume, page 144 ; et août, page 122, année 1769. (Note de Voltaire.) — Les numéros du Mercure cités ici contiennent deux lettres de Bigex (ou écrites sous son nom) à Foucher, et la réponse de Foucher à la première. Voyez les deux lettres à Foucher dans les Mélanges, année 1769.