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BIENS D’ÉGLISE.



SECTION IV[1].


Tous les abus grossiers qui durèrent dans la distribution des bénéfices depuis le Xe siècle jusqu’au XIIIe ne subsistent plus aujourd’hui ; et s’ils sont inséparables de la nature humaine, ils sont beaucoup moins révoltants par la décence qui les couvre. Un Maillard ne dirait plus aujourd’hui en chaire : « domina, quæ facitis placitum domini episcopi, etc. — Ô madame, qui faites le plaisir de monsieur l’évêque ! Si vous demandez comment cet enfant de dix ans a eu un bénéfice, on vous répondra que madame sa mère était fort privée de monsieur l’évêque. »

On n’entend plus en chaire un cordelier Menot criant : « Deux crosses, deux mitres, et adhuc non sunt contenti. »

« Entre vous, mesdames, qui faites à monsieur l’évêque le plaisir que savez, et puis dites : Oh ! oh ! il fera du bien à mon fils, ce sera un des mieux pourvus en l’Église. »

« Isti protonotarii, qui habent illas dispensas ad tria, immo in quindecim beneficia, et sunt simoniaci et sacrilegi, et non cessant arripere beneficia incompatibilia : idem est eis. Si vacet episcopatus, pro eo habendo dabitur unus grossus fasciculus aliorum beneficiorum. Primo accumulabuntur archidiaconatus, abbatiæ, duo prioratus, quatuor aut quinque prœbendœ, et dabuntur haec omnia pro compensatione. — Si ces protonotaires, qui ont des dispenses pour trois ou même quinze bénéfices, sont simoniaques et sacriléges, et si on ne cesse d’accrocher des bénéfices incompatibles, c’est même chose pour eux. Il vaque un bénéfice ; pour l’avoir on vous donnera une poignée d’autres bénéfices, un archidiaconat, des abbayes, deux prieurés, quatre ou cinq prébendes, et tout cela pour faire la compensation. »

Le même prédicateur dans un autre endroit s’exprime ainsi : « Dans quatre plaideurs qu’on rencontre au palais, il y a toujours un moine ; et si on leur demande ce qu’ils font là, un clericus répondra : « Notre chapitre est bandé contre le doyen, contre l’évêque, et contre les autres officiers, et je vais après les queues de ces messieurs pour cette affaire. — Et toi, maître moine, que fais-tu ici ? — Je plaide une abbaye de huit cents livres de rente pour mon maître. — Et toi, moine blanc ? — Je plaide un petit prieuré pour moi. — Et vous, mendiants, qui n’avez terre ni sillon, que battez-vous ici le pavé ? — Le roi nous

  1. Voyez la note 2 de la page 586.