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BIENS D’ÉGLISE.

ils tirèrent de la poussière de vieux testaments, nuls selon les anciennes lois, mais valables suivant les nouvelles. Les citoyens étaient dépouillés de leur patrimoine par la fraude. Les possessions, qui jusque-là avaient été regardées comme sacrées, furent envahies par l’Église. Enfin l’abus fut si criant que Justinien lui-même fut obligé de rétablir les dispositions de la loi d’Anastase, par sa novelle CXXXI, chap. vi.

Les tribunaux français ont longtemps adopté le chap. xi de la novelle XVIII, quand les legs faits à l’Église n’avaient pour objet que des sommes d’argent ou des effets mobiliers ; mais depuis l’ordonnance de 1735 les legs pieux n’ont plus ce privilége en France.

Pour les immeubles, presque tous les rois de France, depuis Philippe le Hardi, ont défendu aux églises d’en acquérir sans leur permission ; mais la plus efficace de toutes les lois, c’est l’édit de 1749, rédigé par le chancelier d’Aguesseau. Depuis cet édit, l’Église ne peut recevoir aucun immeuble, soit par donation, par testament, ou par échange, sans lettres patentes du roi enregistrées au parlement.

SECTION II[1].


Les biens de l’Église, pendant les cinq premiers siècles de notre ère, furent régis par des diacres qui en faisaient la distribution aux clercs et aux pauvres. Cette communauté n’eut plus lieu dès la fin du Ve siècle ; on partagea les biens de l’Église en quatre parts : on en donna une aux évêques, une autre aux clercs, une autre à la fabrique, et la quatrième fut assignée aux pauvres.

Bientôt après ce partage, les évêques se chargèrent seuls des quatre portions ; et c’est pourquoi le clergé inférieur est en général très-pauvre.

Le parlement de Toulouse rendit un arrêt le 18 avril 1651, qui ordonnait que dans trois jours les évêques du ressort pourvoiraient à la nourriture des pauvres, passé lequel temps saisie serait faite du sixième de tous les fruits que les évêques prennent dans les paroisses dudit ressort, etc.

En France, l’Église n’aliène pas valablement ses biens sans de grandes formalités, et si elle ne trouve pas de l’avantage dans l’aliénation. On juge que l’on peut prescrire sans titre, par une possession de quarante ans, les biens d’Église ; mais s’il paraît un titre, et qu’il soit défectueux, c’est-à-dire que toutes les formalités

  1. Voyez la note 2 de la page 586.