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BIEN, TOUT EST BIEN.

créés dans le quatrième ciel, ils s’avisèrent de manger d’une galette au lieu de l’ambroisie qui était leur mets naturel. L’ambroisie s’exhalait par les pores ; mais après avoir mangé de la galette, il fallait aller à la selle. L’homme et la femme prièrent un ange de leur enseigner où était la garde-robe. « Voyez-vous, leur dit l’ange, cette petite planète, grande comme rien, qui est à quelque soixante millions de lieues d’ici, c’est là le privé de l’univers ; allez-y au plus vite.» Ils y allèrent, on les y laissa ; et c’est depuis ce temps que notre monde fut ce qu’il est.

On demandera toujours aux Syriens pourquoi Dieu permit que l’homme mangeât la galette, et qu’il nous en arrivât une foule de maux si épouvantables.

Je passe vite de ce quatrième ciel à milord Bolingbroke, pour ne pas m’ennuyer. Cet homme, qui avait sans doute un grand génie, donna au célèbre Pope son plan du Tout est bien, qu’on retrouve en effet mot pour mot dans les Œuvres posthumes de milord Bolingbroke, et que milord Shaftesbury avait auparavant inséré dans ses Caractéristiques. Lisez dans Shaftesbury le chapitre des moralistes, vous y verrez ces paroles :

« On a beaucoup à répondre à ces plaintes des défauts de la nature. Comment est-elle sortie si impuissante et si défectueuse des mains d’un être parfait ? mais je nie qu’elle soit défectueuse... Sa beauté résulte des contrariétés, et la concorde universelle naît d’un combat perpétuel... Il faut que chaque être soit immolé à d’autres ; les végétaux aux animaux, les animaux à la terre... ; et les lois du pouvoir central et de la gravitation, qui donnent aux corps célestes leur poids et leur mouvement, ne seront point dérangées pour l’amour d’un chétif animal qui, tout protégé qu’il est par ces mêmes lois, sera bientôt par elles réduit en poussière. »

Bolingbroke, Shaftesbury, et Pope, leur metteur en œuvre, ne résolvent pas mieux la question que les autres : leur Tout est bien ne veut dire autre chose, sinon que le tout est dirigé par des lois immuables ; qui ne le sait pas ? Vous ne nous apprenez rien quand vous remarquez, après tous les petits enfants, que les mouches sont nées pour être mangées par des araignées, les araignées par des hirondelles, les hirondelles par les pies-grièches, les pies-grièches par les aigles, les aigles pour être tués par les hommes, les hommes pour se tuer les uns les autres, et pour être mangés par les vers, et ensuite par les diables, au moins mille sur un.

Voilà un ordre net et constant parmi les animaux de toute