Dieu. Qu’importe à l’Être éternel qu’un peu de métal jaune soit entre les mains de Jérôme ou de Bonaventure ? Nous avons des désirs nécessaires, des passions nécessaires, des lois nécessaires pour les réprimer ; et tandis que sur notre fourmilière nous nous disputons un brin de paille pour un jour, l’univers marche à jamais par des lois éternelles et immuables, sous lesquelles est rangé l’atome qu’on nomme la terre.
Je vous prie, messieurs, de m’expliquer le tout est bien, car je ne l’entends pas.
Cela signifie-t-il tout est arrangé, tout est ordonné, suivant la théorie des forces mouvantes ? Je le comprends et je l’avoue.
Entendez-vous que chacun se porte bien, qu’il a de quoi vivre, et que personne ne souffre ? Vous savez combien cela est faux.
Votre idée est-elle que les calamités lamentables qui affligent la terre sont bien par rapport à Dieu et le réjouissent ? Je ne crois point cette horreur, ni vous non plus.
De grâce, expliquez-moi le tout est bien. Platon le raisonneur daigna laisser à Dieu la liberté de faire cinq mondes, par la raison, dit-il, qu’il n’y a que cinq corps solides réguliers en géométrie, le tétraèdre, le cube, l’hexaèdre, le dodécaèdre, l’icosaèdre. Mais pourquoi resserrer ainsi la puissance divine ? pourquoi ne lui pas permettre la sphère, qui est encore plus régulière, et même le cône, la pyramide à plusieurs faces, le cylindre, etc. ?
Dieu choisit, selon lui, nécessairement le meilleur des mondes possibles ; ce système a été embrassé par plusieurs philosophes chrétiens, quoiqu’il semble répugner au dogme du péché originel : car notre globe, après cette transgression, n’est plus le meilleur des globes ; il l’était auparavant : il pourrait donc l’être encore, et bien des gens croient qu’il est le pire des globes, au lieu d’être le meilleur.
Leibnitz, dans sa Théodicée[2], prit le parti de Platon. Plus d’un lecteur s’est plaint de n’entendre pas plus l’un que l’autre ; pour