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BEAU.

restre, « qui tourne dans le pays d’Hévilath où il vient de l’or ». Calmet, en compilant, rapporte que[1], selon plusieurs compilateurs, le bdellium est l’escarboucle, mais que ce pourrait bien être aussi du cristal ; ensuite que c’est la gomme d’un arbre d’Arabie ; puis il nous avertit que ce sont des câpres. Beaucoup d’autres assurent que ce sont des perles. Il n’y a que les étymologies de Bochart qui puissent éclaircir cette question. J’aurais voulu que tous ces commentateurs eussent été sur les lieux.

L’or excellent qu’on tire de ce pays-là fait voir évidemment, dit Calmet, que c’est le pays de Colchos ; la toison d’or en est une preuve. C’est dommage que les choses aient si fort changé depuis. La Mingrelie, ce beau pays si fameux par les amours de Médée et de Jason, ne produit pas plus aujourd’hui d’or et de bdellium que de taureaux qui jettent feu et flamme, et de dragons qui gardent les toisons : tout change dans ce monde, et si nous ne cultivons pas bien nos terres, et si l’État est toujours endetté, nous deviendrons Mingrelie.



BEAU[2].


Puisque nous avons cité Platon sur l’amour, pourquoi ne le citerions-nous pas sur le beau, puisque le beau se fait aimer ? On sera peut-être curieux de savoir comment un Grec parlait du beau il y a plus de deux mille ans.

« L’homme expié dans les mystères sacrés, quand il voit un beau visage décoré d’une forme divine, ou bien quelque espèce incorporelle, sent d’abord un frémissement secret, et je ne sais quelle crainte respectueuse ; il regarde cette figure comme une divinité... quand l’influence de la beauté entre dans son âme par les yeux, il s’échauffe : les ailes de son âme sont arrosées ; elles perdent leur dureté qui retenait leur germe ; elles se liquéfient ; ces germes enflés dans les racines de ses ailes s’efforcent de sortir par toute l’espèce de l’âme » (car l’âme avait des ailes autrefois), etc.

Je veux croire que rien n’est plus beau que ce discours de Platon ; mais il ne nous donne pas des idées bien nettes de la nature du beau.

[3] Demandez à un crapaud ce que c’est que la beauté, le grand

  1. Notes sur le chapitre ii de la Genèse. (Note de Voltaire.)
  2. Le commencement de cet article date de 1770, Questions sur l’Encyclopédie, troisième partie. (B.)
  3. C’est ici que commençait l’article dans le Dictionnaire philosophique de 1764. (B.)