Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome17.djvu/566

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
546
BAPTÊME.

Il paraît encore que quand les apôtres baptisèrent, ce fut toujours au seul nom de Jésus-Christ. Jamais les Actes des apôtres ne font mention d’aucune personne baptisée au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit : c’est ce qui peut faire croire que l’auteur des Actes des apôtres ne connaissait pas l’Évangile de Matthieu, dans lequel il est dit[1] : « Allez enseigner toutes les nations, et baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. » La religion chrétienne n’avait pas encore reçu sa forme : le Symbole même, qu’on appelle le Symbole des apôtres, ne fut fait qu’après eux ; et c’est de quoi personne ne doute. On voit, par l’Épître de Paul aux Corinthiens, une coutume fort singulière qui s’introduisit alors : c’est qu’on baptisait les morts ; mais bientôt l’Église naissante réserva le baptême pour les seuls vivants : on ne baptisa d’abord que les adultes ; souvent même on attendait jusqu’à cinquante ans, et jusqu’à sa dernière maladie, afin de porter dans l’autre monde la vertu tout entière d’un baptême encore récent.

Aujourd’hui on baptise tous les enfants : il n’y a que les anabaptistes qui réservent cette cérémonie pour l’âge où l’on est adulte ; ils se plongent tout le corps dans l’eau. Pour les quakers, qui composent une société fort nombreuse en Angleterre et en Amérique, ils ne font point usage du baptême : ils se fondent sur ce que Jésus-Christ ne baptisa aucun de ses disciples, et ils se piquent de n’être chrétiens que comme on l’était du temps de Jésus-Christ ; ce qui met entre eux et les autres communions une prodigieuse différence.

Addition importante[2].

L’empereur Julien le philosophe, dans son immortelle Satire des Césars, met ces paroles dans la bouche de Constance, fils de Constantin : « Quiconque se sent coupable de viol, de meurtre, de rapine, de sacrilège, et de tous les crimes les plus abominables, dès que je l’aurai lavé avec cette eau, il sera net et pur. »

C’est en effet cette fatale doctrine qui engagea les empereurs chrétiens et les grands de l’empire à différer leur baptême jusqu’à la mort. On croyait avoir trouvé le secret de vivre criminel, et de mourir vertueux. (Tirée de M. Boulanger.)

  1. Matthieu, xxviii, 19,
  2. Cette addition est dans le Dictionnaire philosophique de 1767. (B. )