Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome17.djvu/560

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
540
BAPTÊME.

fier à aucun dieu des étrangers. Les prosélytes de justice étaient circoncis et baptisés ; on baptisait aussi les femmes prosélytes, toutes nues, en présence de trois hommes.

Les Juifs les plus dévots venaient recevoir le baptême de la main des prophètes les plus vénérés par le peuple. C’est pourquoi on courut à saint Jean, qui baptisait dans le Jourdain.

Jésus-Christ même, qui ne baptisa jamais personne, daigna recevoir le baptême de Jean. Cet usage ayant été longtemps un accessoire de la religion judaïque reçut une nouvelle dignité, un nouveau prix de notre Sauveur même ; il devint le principal rite et le sceau du christianisme. Cependant les quinze premiers évêques de Jérusalem furent tous Juifs ; les chrétiens de la Palestine conservèrent très-longtemps la circoncision ; les chrétiens de saint Jean ne reçurent jamais le baptême du Christ.

Plusieurs autres sociétés chrétiennes appliquèrent un cautère au baptisé avec un fer rouge, déterminées à cette étonnante opération par ces paroles de saint Jean-Baptiste, rapportées par saint Luc[1] : « Je baptise par l’eau, mais celui qui vient après moi baptisera par le feu. »

Les séleuciens, les herminiens et quelques autres, en usaient ainsi. Ces paroles, il baptisera par le feu, n’ont jamais été expliquées. Il y a plusieurs opinions sur le baptême de feu dont saint Luc et saint Matthieu parlent. La plus vraisemblable, peut-être, est que c’était une allusion à l’ancienne coutume des dévots à la déesse de Syrie, qui, après s’être plongés dans l’eau, s’imprimaient sur le corps des caractères avec un fer brûlant. Tout était superstition chez les misérables hommes ; et Jésus substitua une cérémonie sacrée, un symbole efficace et divin, à ces superstitions ridicules[2].

  1. III, 16.
  2. On s’imprimait ces stigmates principalement au cou et au poignet, afin de mieux faire savoir, par ces marques apparentes, qu’on était initié et qu’on appartenait à la déesse. Voyez le chapitre de la déesse de Syrie, écrit par un initié et inséré dans Lucien. Plutarque, dans son traité de la Superstition, dit que cette déesse donnait des ulcères au gras des jambes de ceux qui mangeaient des viandes défendues. Cela peut avoir quelque rapport avec le Deutéronome, qui, après avoir défendu de manger de l’ixion, du griffon, du chameau, de l’anguille, etc., dit* : « Si vous n’observez pas ces commandements, vous serez maudits, etc. Le Seigneur vous donnera des ulcères malins dans les genoux et dans le gras des jambes. » C’est ainsi que le mensonge était en Syrie l’ombre de la vérité hébraïque, qui a fait place elle-même à une vérité plus lumineuse.

    Le baptême par le feu, c’est-à-dire ces stigmates, était presque partout en usage. Vous lisez dans Ézéchiel** : « Tuez tout, vieillards, enfants, filles, excepté ceux qui seront marqués du thau. » Voyez dans l’Apocalypse*** : « Ne frappez point la terre, la mer, et les arbres, jusqu’à ce que nous ayons marqué les serviteurs de Dieu sur le front. Et le nombre des marques était de cent quarante-quatre mille. » (Note de Voltaire.)

    * Chapitre xxviii, v. 35.
    ** Chapitre ix, v. 6.
    *** Chapitre vii, v. 3, 4.