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BAISER.

Trévoux, que badaud signifie sot, niais, ignorant, stolidus, stupidus, bardus, et qu’il vient du mot latin badaldus.

Si on a donné ce nom au peuple de Paris plus volontiers qu’à un autre, c’est uniquement parce qu’il y a plus de monde à Paris qu’ailleurs, et par conséquent plus de gens inutiles qui s’attroupent pour voir le premier objet auquel ils ne sont pas accoutumés, pour contempler un charlatan, ou deux femmes du peuple qui se disent des injures, ou un charretier dont la charrette sera renversée, et qu’ils ne relèveront pas. Il y a des badauds partout, mais on a donné la préférence à ceux de Paris.



BAISER[1].


J’en demande pardon aux jeunes gens et aux jeunes demoiselles, mais ils ne trouveront point ici peut-être ce qu’ils chercheront. Cet article n’est que pour les savants et les gens sérieux, auxquels il ne convient guère.

Il n’est que trop question de baiser dans les comédies du temps de Molière. Champagne, dans la comédie de la Mère coquette de Quinault, demande des baisers à Laurette ; elle lui dit :

Tu n’es donc pas content ? vraiment, c’est une honte ;
Je t’ai baisé deux fois.

Champagne lui répond :

Quoi ! tu baises par compte ?

(Acte I, scène i.)

Les valets demandaient toujours des baisers aux soubrettes ; on se baisait sur le théâtre. Cela était d’ordinaire très-fade et très-insupportable, surtout dans des acteurs assez vilains, qui faisaient mal au cœur.

Si le lecteur veut des baisers, qu’il en aille chercher dans le Pastor fido ; il y a un chœur entier où il n’est parlé que de baisers[2] ;

  1. Questions sur l’Encyclopédie, troisième partie, 1770. (B.)
  2. Baci pur bocca curiosa e scaltra
    O seno, o fronte, o mano : unqua non fia
    Che parte alcuna in bella donna baci,
    Che baciatrice sia
    Se non la bocca ; ovo l’un’ alma e l’altr
    Corre e si bacia anch’ella, e con vivac
    Spiriti pellegrini
    Dà vita al bel tesoro
    De’ bacianti rubini, etc.

    (Acte II.)

    Il y a quelque chose de semblable dans ces vers français, dont on ignore l’auteur :

    De cent baisers, dans votre ardente flamme,
    Si vous pressez belle gorge et beaux bras,
    C’est vainement ; ils ne les rendent pas.
    Baisez la bouche, elle répond à l’âme.
    L’âme se colle aux lèvres de rubis.
    Aux dents d’ivoire, à la langue amoureuse ;
    Âme contre âme alors est fort heureuse.
    Deux n’en font qu’une, et c’est un paradis.

    (Note de Voltaire.)