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AUTORITÉ.

cela n’est pas vrai ; que plusieurs écrivains ont dit qu’il y avait eu un Moïse ; que Josèphe même en a parlé fort au long, et que l’abbé Bazin est un impie qui veut détruire les sept sacrements. Mais, cher Père Viret, vous deviez vous informer auparavant de ce que veut dire le mot citer. Il y a bien de la différence entre faire mention d’un auteur et citer un auteur. Parler, faire mention d’un auteur, c’est dire : Il a vécu, il a écrit en tel temps. Le citer, c’est rapporter un de ses passages : « Comme Moïse le dit dans son Exode, comme Moïse a écrit dans sa Genèse. » Or l’abbé Bazin affirme qu’aucun écrivain étranger, aucun même des prophètes juifs n’a jamais cité un seul passage de Moïse, quoiqu’il soit un auteur divin. Père Viret, en vérité, vous êtes un auteur bien malin ; mais on saura du moins par ce petit paragraphe que vous avez été un auteur.

Les auteurs les plus volumineux que l’on ait eus en France ont été les contrôleurs généraux des finances. On ferait dix gros volumes de leurs déclarations, depuis le règne de Louis XIV seulement. Les parlements ont fait quelquefois la critique de ces ouvrages : on y a trouvé des propositions erronées, des contradictions ; mais où sont les bons auteurs qui n’aient pas été censurés.


AUTORITÉ[1]


Misérables humains, soit en robe verte, soit en turban, soit en robe noire ou en surplis, soit en manteau et en rabat, ne cherchez jamais à employer l’autorité là où il ne s’agit que de raison, ou consentez à être bafoués dans tous les siècles comme les plus impertinents de tous les hommes, et à subir la haine publique comme les plus injustes.

On vous a parlé cent fois de l’insolente absurdité avec laquelle vous condamnâtes Galilée, et moi, je vous en parle pour la cent et unième, et je veux que vous en fassiez à jamais l’anniversaire ; je veux qu’on grave à la porte de votre Saint-Office :

Ici sept cardinaux, assistés de frères mineurs, firent jeter en prison le maître à penser de l’Italie, âgé de soixante et dix ans ; le firent jeûner au pain et à l’eau, parce qu’il instruisait le genre humain, et qu’ils étaient des ignorants[2].

  1. Questions sur l’Encyclopédie, deuxième partie, 1770. (B.)
  2. On voit que Voltaire envisage l’affaire de Galilée en la dépouillant de tous les agréments dramatiques de la légende. Il ne ressent que l’outrage fait à la raison, à la science. On a condamné au pain et à l’eau pendant un jour ou quelques heures le maître à penser de l’Italie, cela suffit à l’indignation du philosophe. Il n’a que faire de la torture. (G. A.)